La périodisation de l’Histoire: les périodes historiques

La périodisation de l’Histoire et des problèmes qu’elle implique

Quelles sont les raisons de la division temporelle de l’Histoire ?

La période est une division canonique qui apparaît naturelle et ce depuis l’enseignement secondaire: Préhistoire, Antiquité, Moyen-Âge, Temps Modernes, Époque contemporaine.
Mais sur quels critères entre-t-on dans une autre période ? Pourquoi 1492 marque le début d’une nouvelle période ? On a peut-être expliqué pourquoi telle limite et pas une autre.

Lors de l’harmonisation des baccalauréats, la question de la périodisation n’a jamais été abordée. L’histoire est étudiée par thème quasiment en dépit de l’étude de séquences chronologiques.

Usuellement, l’Histoire est composée de 6 grandes périodes:

  • La Préhistoire: (-5,5 millions d’années à -3500): des premiers hominidés à la découverte de l’écriture.
  • L’Antiquité (-3500 à 476): de la découverte de l’écriture à la chute de l’Empire Romain d’Occident.
  • Le Moyen-Âge (476 à 1453 ou 1492): de la chute de l’Empire Romain d’Occident à la chute de Constantinople (ou la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb).
  • Les Temps Modernes (1453 ou 1492 à 1789): de la chute de Constantinople (ou la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb) à la Révolution Française.
  • L’époque contemporaine (1789 à 1945 (ou à nos jours)): de la Révolution Française à la fin de la Seconde Guerre Mondiale.
  • Le temps présent (1945 à nos jours): de la fin de la Seconde Guerre Mondiale à nos jours.

A la fin du XXème siècle, une nouvelle périodisation est apparue: l’histoire du temps présent (plus ou moins de 1945 à nos jours).
La problématique de la périodisation a été au centre des débats de manière épisodique. Dans les années 1950, c’est le temps long braudélien (relatif à l’historien Fernand Braudel) qui apparaît.
Dans les années 1970, la périodisation est de nouveau remise en question.

Quand et pourquoi la périodisation est-elle née ?

Au fil des âges, la conception du temps évolue au même titre que la conception des périodisations.
Selon Reinhart Koselleck, entre 1500 et 1800 on assiste à une temporalisation de l’histoire: le temps prend une importance et exerce une influence.
Le schéma d’une histoire cyclique passe à un schéma d’une histoire linéaire: l’histoire et sa temporalité sont soumises à une accélération progressive au point qu’aujourd’hui, certains parlent de présentisme, une perception de l’immédiateté générée par les médias et non plus une perception de la longue durée.

L’évolution du rapport au temps

Le rapport au temps évolue. François Hartog introduit la notion d’historicité, qui est le rapport que nous avons par rapport au temps.
La question qui se pose donc est de comprendre comment ce rapport détermine-t-il le rapport à l’histoire ?

Entre 1500 et 1800, on assiste à une temporalisation de l’histoire.
Dès la fin du XVème siècle, les humanistes prennent conscience de la différence entre passé et présent.
Durant la Renaissance, le présent est considéré non pas comme la continuité du temps mais bien une renaissance du temps ancien.
Les humanistes déterminent deux lignes de partage: le passé proche et le passé lointain.

Cette coupure entraîne trois périodes :

  • De l’origine à Constantin
  • De Constantin à 1250
  • A partir de 1250 (période moderne)

Pour la première fois, l’Histoire est donc séparée en périodes. Cela implique la production d’indicateurs pour distinguer les périodes. C’est à cette époque qu’apparaît le terme de Renaissance. C’est le seuil d’une époque, il devient un terme courant.
L’idée est que nous renaissons. La redécouverte de l’Antiquité à travers les manuscrits et les traductions qui ont été réalisées implique une césure. La Renaissance devient donc une période.

Parallèlement, il faut distinguer la période entre l’Antiquité et la Renaissance. C’est la période appelée Moyen-Âge (media tempora). Le premier usage de ce terme est fait en 1572 et fait allusion à un âge entre deux âges d’or, une période pour laquelle il y a du mépris, durant laquelle il ne se passe rien, etc.
Ce concept de Moyen-Âge s’impose au XVIIème siècle et devient un terme commun au XVIIIème siècle.

A partir de cette nouvelle conception de la période, les théoriciens expliquent que le temps fait partie inhérente de l’histoire. Parallèlement à cette conceptualisation, se mettent en place des théories du progrès: le temps évolue !

Qu’est-ce que périodiser ?

Attention à bien établir la différence entre périodisation et chronologie. Il n’y a pas d’histoire sans date. C’est ce que l’historien doit faire en premier lieu: ranger les évènements dans le temps.

Une date en soi ne signifie rien. Il faut savoir ce qu’il y a avant et après. Elle ne renvoie qu’à elle-même. Le danger est de penser qu’un évènement, une date en entraîne une autre. C’est ce qui est reproché à Ernst Nolte (historien allemand qui a écrit sur le nazisme). sur sa théorie de l’origine du totalitarisme. Il fait une chronologie :

  • 1918 : Les goulags du bolchévisme apparaissent;
  • 1922-1923 : Montée du fascisme italien
  • 1933 : Arrivée au pouvoir d’Hitler qui aura comme conséquence la Shoah

Nolte présente ces faits comme si la succession chronologique entraînait une causalité. Il peut y avoir des points communs entre goulags et camps de concentration. Mais la spécificité du nazisme, ce n’est pas les camps, ce n’est pas le totalitarisme, mais c’est la Shoah. Il y a des points communs mais lorsque Staline envoie des gens au goulag, il envoie des résistants à sa politique et non pas des personnes pour ce qu’elles sont (juives).

C’est l’Histoire qui va donner un sens, qui va évaluer l’originalité ou la conformité de l’évènement. La spécificité de l’Histoire est qu’elle travaille sur la diachronie. L’accent est mis sur la telle ou telle chaîne d’évènements, établie par l’historien.

Périodiser, c’est donc construire une période. L’histoire doit toujours justifier les articulations pour diviser l’histoire en période. Périodiser est une construction qui a un sens donné par l’historien. Il y existe plusieurs manières d’envisager les périodes.

Quels sont les critères d’une périodisation de l’Histoire ?

La périodisation ternaire concerne l’Antiquité, le Moyen-Âge et les Temps modernes. A la fin du XIXème siècle, est ajoutée la période Contemporaine et la Préhistoire.

Les césures entre les périodes qui sont établies à la fin du XIXème siècle sont politiques. A cette époque, l’histoire est l’histoire politique.

Cette division correspond à l’école méthodique. Les historiens qui la composent sont sensibles à l’évènement politique comme facteur unique de l’explication de l’histoire

Le siècle

On parle du siècle des Tudor, de Louis XIV, du court XXème siècle, ou encore du long XIXème siècle.

Pour certains historiens, cette conception est plus intéressante car elle consiste en un critère neutre qui permet de rompre avec ce qu’on faisait avant.
Mais entre 1899 et 1901, il n’y a pas forcément eu de bouleversements. Le siècle est donc très élastique. On considère que la fin du XVIIIème siècle est en 1789, au lieu de 1800. Le court XXème siècle, débute en 1914-18 et termine en 1989. Cette distinction faite par l’historien Eric Hobsbawm souligne le combat des idéologies; la fin du communisme nous précipite dans un autre monde, dans un autre siècle.

Les moments de début et de fin de siècle varient en fonction des historiens, par exemple Thérèse Delpech choisit comme date de début du XXème siècle, 1905 (guerre sino-russe et sino-chinoise). C’est l’époque où s’entame un processus de brutalisation de l’histoire. Pour Michel Demoulin 1905-1914 est une période.

Caractériser un siècle est donc très arbitraire. Les grandes dates de l’Histoire sont généralement choisies.

La Préhistoire fait exception à cela car il n’y a pas de critères politiques. C’est simplement l’histoire avant l’écriture: il s’agit donc d’une période mobile.

Les contestations de la périodisation par siècle ou par période

Cette périodisation a eu des contestataires comme l’École des Annales. Ses membres rompent avec ce système de périodisation en multipliant les critères de césure.
Par exemple, 1989 n’a aucune importance si on fait l’histoire des femmes ou de l’histoire sociale. Ils créent des thèmes. L’histoire économique et sociale amène à sortir de l’histoire politique.

Ce n’est pas la périodisation en tant que telle qu’ils mettent en cause mais propose une approche plus spécifique.

Par exemple, Fernand Braudel propose une tripartisation du temps dans sa thèse sur La Méditerranée et Philippe II:

  • Le temps long, qui est le temps géographique
  • Le temps moyen, qui est le temps cyclique
  • Le temps court, qui est le temps de l’évènement

La nouvelle période historique: le temps présent

Périodiser, c’est choisir une séquence temporelle qu’il faut justifier soit par rapport à ce qui a précédé le début du sujet en indiquant la rupture et la légitimité de cette rupture, et en faisant la même chose pour la limite en aval.

Suite à l’évolution de la société et plus particulièrement des médias, le présent nous accale.
Les médias ne travaillent plus sur la longue durée. Les médias commentent l’actualité et fondamentalement l’Histoire qui se créé en conviant démographes, sociologues ou politologues mais rarement (ou jamais) d’historiens.
Le présentisme est la tendance actuelle à éliminer la perspective diachronique.

Ceci implique trois choses en terme de périodisation:

  • Le temps présent doit être délimité et spécifié
  • Cette période doit dépendre d’une représentation du présent
  • La notion est mobile car elle implique d’être révisée en permanence

Les critères historiques utilisés pour parler du temps présent correspondent à celui des témoins encore vivants ou de la durée durant laquelle les archives ne sont pas accessibles (50 ans). Le temps présent est une période mobile conditionnée par une source de mémoire vive, contemporaine de l’historien, comme l’a fait Hérodote (il écrit ce qui est en train de se passer), ou encore Henri Pirenne (son histoire de Belgique s’arrête en 1920 mais il écrit la guerre de 14-18, ce qui est du temps présent).

Vers une autre périodisation de l’Histoire ?

Cette traduction du temps présent amène les historiens à encore réduire les périodisations. Par exemple, Jean-François Sirinelli travaille par génération considérant qu’il s’agit de la meilleure référence pour établir une échelle du temps cohérente.
Les générations sont modelées pars des évènements majeurs. C’est le retour de l’importance de l’évènement. Avec la génération, on miniaturise les objets historiques. Il s’agit de la micro histoire: on part d’un individu (ou d’un petit groupe d’individus) et on retrace une histoire plus globale.

En conclusion

Il y existe différents types de périodisation: canonique, par siècle, par génération, etc. Il y a toujours un ou des critères pour fixer les bornes de début et de fin.
S’il y a des bornes, cela signifie qu’il y a un avant et un après.
Si il n’existe pas de périodisation, il s’agit d’une conception du temps dite braudélienne, composée des trois temps court, moyen et long.

Sam Zylberberg
Les derniers articles par Sam Zylberberg (tout voir)

9 réflexions au sujet de “La périodisation de l’Histoire: les périodes historiques”

  1. Bonjour, je pense réaliser mon travail de maîtrise sur la périodisation de l’histoire, en particulier sur la potentielle fin de l’époque contemporaine. Auriez-vous des sources à me conseiller ?

    Répondre
    • Bonjour Cora,

      Non pas forcément, 50 ans est le temps légal après lequel les archives deviennent consultables. Le présent devient l’Histoire à partir du moment où il est travaillé par un historien. Il peut donc y avoir un travail autour d’une histoire immédiate.
      Tout travail historique n’est pas basé sur des archives au sens propre du terme, il peut se réaliser grâce à des témoignages, des analyses d’images, etc. Il est essentiel d’analyser avec méthode et critique historique, c’est ce qui valide la démarche de l’historien.
      Plus d’infos sur le rôle social de l’historien.

      Au plaisir,

      Sam

      Répondre

Laisser un commentaire