Histoire des histoires d’horreur

L’horreur est un genre à part entière en littérature qui s’est construit au fil des siècles. Il prend ses racines durant l’antiquité sumérienne, grecque et romaine et évolue durant le Moyen-Âge, pour se développer en Angleterre durant les XVIème et XVIIème en tant que roman gothique avant d’éclore sous sa forme moderne. Découvrez à travers cet article l’histoire des histoires d’horreur !

Les histoires d’horreur dans l’antiquité

Même les premiers récits enregistrés contiennent des éléments d’horreur, de peur et de désespoir, et les archétypes d’horreur ont probablement duré beaucoup plus longtemps. L’archétype du vampire, par exemple, remonte à l’ancienne civilisation de Sumer ; l’être semblable à un vampire, Emikku, habitait les corps des personnes qui étaient mortes violemment ou qui avaient été enterrées de façon inappropriée.

Le genre de l’horreur a des origines anciennes avec des racines dans le folklore et les traditions religieuses, se concentrant sur la mort, l’au-delà, le mal, le démon et le principe de la chose incarnée dans la personne, qui se manifestaient dans des histoires d’êtres étranges tels démons, sorcières, vampires, loups garous et fantômes. La fiction d’horreur européenne s’est établie à travers les travaux des Grecs et des Romains de l’Antiquité. Par exemple, le célèbre roman du XIXème siècle de Mary Shelly, Frankenstein ou la Prométhée moderne a été fortement influencé par l’histoire d’Hippolyte d’Euripide, dans laquelle Asclepios le fait revivre de la mort, ainsi que par le mythe de Prométhée, voué à se faire dévorer le foie indéfiniment pour avoir transmis le feu et le pouvoir politique aux hommes.

L’horrible au Moyen-Âge

Si nous recherchons les racines de la littérature d’horreur actuelle, elles remontent à l’Inquisition. En 1235, le Vatican a émis un ordre pour rétablir l’orthodoxie de la foi chrétienne. Presque aussitôt, les accusations d’hérésie se sont mêlées inextricablement aux allégations de sorcellerie. L’obsession de la sorcellerie qui en résulta dure jusqu’au XVIIème siècle.

En 1307, Dante publie le premier volume de sa Divine Comédie, l’Enfer. La vision de Lucifer présentée par Dante aura une grande influence, même si elle est aujourd’hui éclipsée par celle présentée par John Milton dans Paradise Lost ou Le Paradis Perdu (épopée en 12 volumes datant de 1667).

La rencontre de Dante avec Lucifer se passe dans la cité de Dité, dans le Bas Enfer, un endroit où tout est silencieux et où les damnés sont ensevelis sous la glace et souffrent en silence.

Le Paradis perdu, aussi connu comme la Divine Comédie du puritanisme raconte la chute d’Adam et Eve sur Terre et la chute de Satan (Lucifer) en enfer, dépeint comme le plus beau des anges qui se rebelle contre Dieu et déclare qu’il vaut mieux régner en enfer que servir au paradis.

Au cours du siècle suivant, les œuvres d’horreur sont encore largement liées à la religion. En 1486-87, les inquisiteurs Henry Kramer et Jakob Sprenger publient Malleus Maleficarum (Le marteau des sorcières). Ce livre qui codifie la croyance en la sorcellerie est réimprimé 14 fois dans toute l’Europe entre sa parution et 1520. Il a certainement contribué à l’engouement pour la sorcellerie et ses procès qui ont sévi pendant les deux siècles suivants.

Dans les années 1580, un nouveau type d’horreur est apparu sur la scène londonienne. La série de pièces d’horreur traitant de la mort a commencé avec La Tragédie espagnole de Thomas Kyd (1586) et s’est poursuivie par Titus Andronicus (1594), Hamlet (1600) et Macbeth (1605) de Shakespeare. Après la représentation de La duchesse de Malfi (1613) de John Webster, la mort ne réapparaîtra pas sur la scène anglaise avant la mise en scène de Hernani de Victor Hugo en 1830.

La naissance du roman gothique

En 1714, lorsque Thomas Parnell publie A Night-Piece on Death, il s’agit de la première œuvre des « poètes du cimetière », le groupe est composé de poètes préromantiques connus pour leur préoccupation à l’égard de la mortalité et de la mort. Oliver Goldsmith, William Cowper, James MacPherson, Robert Blair et Thomas Chatterton en font partie. Bien que la plupart des critiques aient rejeté leur travail, leurs efforts ont contribué à l’évolution du roman gothique.

Dix-sept ans plus tard, en 1731, le gouvernement autrichien ordonne une enquête sur l’hystérie de masse qui s’est emparée du village de Medvegja. Arnold Paole, un soldat autrichien, est mort en 1727 après être tombé d’une charrette de foin. Avant sa mort, Paole laisse entendre qu’il a été mordu par un vampire alors qu’il vivait près de Gossawa, en Serbie actuelle. Pour inverser la malédiction, Paole raconte qu’il s’est barbouillé de boue provenant de la tombe du vampire et du sang de ce dernier.
Environ un mois après la mort de Paole, les villageois ont déclaré que l’homme décédé est sorti de sa tombe et a tué quatre personnes. Croyant que Paole était devenu lui-même un vampire, ils ont déterré son corps quarante jours après sa mort. Il était relativement peu décomposé, ce qui donnait plus de crédibilité à leur théorie. Les villageois enfoncent alors un pieu dans son cœur et brûlent son corps. Les corps de ses quatre victimes supposées sont traités de la même manière. Malgré ces précautions, dix autres personnes sont mortes dans des circonstances mystérieuses en 1731, et le village a accusé Paole.

Johannes Fluckinger, un chirurgien, rédige le rapport, corroborant les affirmations des villageois et le publie en 1732 sous le titre Visum et Repertum. L’histoire a rapidement attire l’attention dans tout le vieux continent et déclenche une réapparition massive de la croyance aux vampires en Europe. Ces vagues vampiriques sont en réalité dues aux différentes épidémies très courantes à cette époque. La romancière Fred Vargas s’inspire de l’histoire d’Arnold Paole dans son roman Un lieu incertain.

En 1764, Horace Walpole publie Le château d’Otrante, considéré comme le premier roman gothique, qui raconte la mort de Conrad, le jour même de son mariage, écrasé par un casque géant tombé du ciel. Ce livre va avoir un impact incroyable sur le genre de l’horreur. Le prochain roman influent dans le genre sera les Mystères d’Udolphe d’Anne Radcliffe, un livre qui marque Lord Byron, Sir Walter Scott et d’innombrables autres auteurs. D’autres auteurs comme Matthew Lewis et Charles Brickden Brown contribuent  également à la reconnaissance du roman gothique en tant que genre.

Bien que ces auteurs aient travaillé dans le même genre, ils n’ont pas toujours apprécié le travail des autres. Inspiré par Radcliffe, Matthew Lewis a publié The Monk (Le Moine) anonymement en 1705, parce qu’il était alors député. Mais Radcliffe, tellement choquée par la crudité du roman de Lewis, publie en réponse en 1797 The Italian (L’Italien ou le Confessionnal des pénitents noir).

Le roman gothique prend un autre tournant en juin 1816. Pendant trois jours, Lord Byron, Percy Shelley, Mary Wollenstonecraft Shelley et le Dr John Polidori partagent une villa au bord du lac Léman. Probablement sous l’influence du laudanum de Sydenham, une teinture d’opium, ils décident de se lancer dans un concours d’écriture d’histoires de fantômes. Le résultat : Mary Shelley créé le genre de la science-fiction (et même du post-apocalyptique) avec Frankenstein (1818), tandis que le John Polidori a établi le sous-genre du vampire avec la publication de The Vampyr (Le Vampire) dans le New Monthly Magazine (1819). L’œuvre du Dr Polidori est attribuée à l’origine à Lord Byron, et le personnage principal est en effet une caricature de celui-ci.

Entre-temps, l’horreur est à nouveau joué sur la scène britannique de 1790 à 1825. Trois théâtres offrent aux spectateurs une foule de possibilités : The Devil’s Elixir (Les élixirs du Diable) de Fitz Ball, The Castle Spectre (Le spectre du château), un drame musical de Matthew Lewis et The Vampire (1819) de James Planche en sont quelques exemples. Cette dernière a d’ailleurs donné lieu à la mise au point d’un nouvel appareil scénique appelé « piège à vampires ». Ces productions sont à la fois sanglantes et coûteuses, elles ont donc cessé dès que le diable n’était plus à la mode.

Edgar Allan Poe apporte la tradition gothique en Amérique ; sa première histoire, MS Found in a Bottle (Manuscrit trouvé dans une bouteille), paraît dans le Baltimore Saturday Visitor en 1833. Il écrit ensuite certains des plus remarquables récits d’horreur, et par ailleurs invente le récit policier et est un précurseur du fantastique.

L’horreur appliquée aux enfants

Au cours de la décennie suivante, l’horreur fait son chemin dans pratiquement toutes les formes d’art. Entre 1819 et 1823, Francesco de Goya peint une série de dix-huit fresques, connues sous le nom de Peintures Noires, en réponse à l’invasion française de l’Espagne.

Le sabbat des sorcières ou le Grand Bouc, 1819-1823, Francisco de Goya
Le sabbat des sorcières ou le Grand Bouc, 1819-1823, Francisco de Goya.

Et l’année suivante, c’est Hector Berlioz qui fait sensation avec la Symphonie Fantastique. La symphonie choque son public par ses sonorités choquantes et son imagerie grotesque ; Berlioz baptise les mouvements Marche au supplice et Songe d’une nuit du sabbat.

Il est à noter que même à cette époque de raison et de progrès scientifique, la vie était encore souvent violente et courte. Les gens de tous âges étaient souvent intimement familiers avec les réalités de la mortalité. Ce fait s’étend aux enfants. Les lecteurs sont scandalisés par l’horreur de Kinder und Hausmarchen (Contes de l’enfance et du foyer) en 1832 de Jakob et Willhelm Grimm dits les Frères Grimm et par les détails macabres de Hans Christian Andersen dans ses contes pour enfants. Aujourd’hui, toutes ces histoires ont été réécrites et aseptisées, mais les détails macabres et les leçons apprises par la violence étaient monnaie courante au XIXème siècle.

Et bien qu’elles ne soient certainement pas qualifiées d’histoires d’horreur à part entière, Alice au pays des merveilles (1865) et De l’autre côté du miroir (1872) de Lewis Carroll influenceront les auteurs d’horreur plus d’un siècle plus tard, dans les années 1980. Le poème de Lewis Carroll Le Jabberwocky mêle le ridicule avec l’horreur, et les auteurs du XXème siècle joueront avec cette juxtaposition, ainsi qu’avec les mondes imaginaires et les univers parallèles.

Vers la démocratisation des histoires d’horreur et leur impression sérielle durant la Révolution Industrielle

La Révolution Industrielle entraîne des changements majeurs pour la littérature d’horreur dans les années 1840. Le taux d’alphabétisation s’améliore. L’exode rural entraîne une surpopulation des villes et de plus en plus de gens souhaitent lire. À cette époque, l’horreur est écrite de manière plus viscérale et plus sanglante. Le Penny Blood (ou Penny Dreadful) apparaît comme une forme de divertissement bon marché pour le grand public et mêle faits divers et histoires macabres. L’équivalent scénique est le Penny Gaff. Edward Lloyd fait fortune grâce aux Penny Bloods qu’il édite dans sa maison d’édition. Il publie notamment Thomas Prest dans les années 1830, l’adapte afin que ses écrits soient plus accessibles.

Un exemplaire d'un Penny Dreadful
Page couverture d’un penny dreadful (vers 1860-1870) : Black Bess; or, The knight of the road. Un récit romancé de la vie de Dick Turpin, un bandit de grand chemin populaire au XIXème siècle en Angleterre.

C’est Thomas Prest qui amène le personnage de Sweeney Todd, le barbier démoniaque (à l’origine Le collier de perles, 1847), adapté au cinéma par Tim Burton en 2007.

James Malcolm Rymer est quant à lui l’origine de Varney le vampire, ou La fête du sang (1845), qui a eu une influence majeure sur le genre vampire (dont le Dracula de Bram Stoker en 1897). Wagner le loup-garou de George Reynold a été publié en 1846. À l’époque, les bonnes gens considèrent que l’exposition aux Penny Dreadfuls est la voie vers la délinquance juvénile. Les parents interdisent les livres bon marché et les brûlent. Cette destruction devenue un phénomène de mode, constitue, du reste, un défi, pour les collectionneurs de Penny Dreadfuls, car elle a rendu ces livres d’autant plus rares.

La fin du roman gothique

Robert Browning publie The Ring and the Book (L’Anneau et le Livre) en 1868-1869, un poème de 21.000 vers basé sur un crime de l’époque, celui du meurtre de sa femme par un homme. Ce poème est unanimement salué par la critique et connaît un succès considérable, plaçant Browning comme digne successeur de Shakespeare.

Quelques années plus tard, en 1872, Sheridan Le Fanu, un écrivain Irlandais, publie Carmilla dans le recueil In a Glass Darkly (Les créatures du miroir), une jeune fille vampire. Dans ce roman, Le Fanu démantêle les artifices gothiques, en introduisant des éléments d’horreur et de surnaturel dans la vie quotidienne. Les pièges traditionnels de l’horreur gothique s’effacent peu à peu. Le Fanu est considéré comme un des auteurs majeurs du genre fantastique.

Alors que les idéaux victoriens remplacent les idéaux romantiques, les auteurs se tournent vers la moralité individuelle. Les villes surpeuplées sont devenues plus impersonnelles, plus violentes, et soudain, on ne pouvait plus compter sur la bonté des autres. C’est une époque angoissante, une époque où la propension de l’homme à faire le mal ne peut pas être ignorée. L’époque est donc propice pour un ouvrage comme The Strange Case of Dr. Jekyll and Mr. Hyde (L’Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde) de Robert Louis Stevenson en 1886.
Tout comme The Ring and the Book, Dr. Jekyll et M. Hyde est basé sur une histoire vraie, celle d’un criminel avec lequel la famille de Stevenson a fait des affaires. La nouvelle a connu un succès immédiat.

En 1888, Jack l’Éventreur défraie la chronique à Londres, et devient un autre archétype de l’horreur, celui d’un monstre sanguinaire qui hante la ville et est insaisissable La première fiction  basée sur l’éventreur est publiée par Marie Belloc Lowndes en 1913 sous le titre The Lodger (Un étrange locataire).

En France, le mouvement d’abord connu sous le nom de Décadentisme ou Mouvement décadent, et plus tard appelé Symbolisme, apparaît dès le Second Empire où l’on parle de déclin. L’humiliation de la défaire de 1871 et la Commune sont vues par de nombreux écrivains comme la fin d’un monde. Cette pensée décliniste est solidement implantée parmi des auteurs comme Charles Baudelaire, Joris Karl Huysmans et Guy de Maupassant qui produisent quelques-unes des plus belles œuvres européennes du macabre.

Baudelaire, en plus de son œuvre conséquente, traduit Edgar Allan Poe en français. Guy de Maupassant écrit la nouvelle Boule de Suif, un grand classique de la littérature qui dépeint la fuite de Rouen par un petit groupe de personnes dont une prostituée dont le surnom est « Boule de Suif », suite à la guerre franco-prussienne de 1870-71. Seule Boule de suif emporte des provisions et les partage avec les voyageurs qui n’ont pas pris de vivres. Cette nouvelle dépeint l’hypocrisie de l’époque et la pression exercée par le groupe de voyageurs pour que Boule de Suif accepte de se donner à un officier prussien afin que le groupe puisse repartir suite à une halte dans une Auberge occupée par les prussiens. La nouvelle se termine sur le groupe de voyageurs qui font le plein de provisions sans en proposer à Boule de Suif, seule, sans vivres, et en larmes.

 

Le poète Paul Verlaine réalise ce qu’aucun auteur gothique n’avait tenté de faire : il donne une définition de l’horreur dans le contexte de son mouvement, en écrivant qu’elle est faite d’un mélange d’esprit charnel et de chair triste, de toutes les splendeurs violentes de l’empire en déclin.

La scène française des années 1890 et 1900 voit le retour de l’esprit gore. Le Grand Guignol, un terme qui désignait autrefois les marionnettes, en est venu à désigner de courtes pièces de théâtre pleines de violence, de meurtres, de viols, de suicides et d’apparitions fantomatiques.

Londres accueille ses propres adaptations moins criardes de ces pièces de 1920 à 1922.

Transition vers l’horreur moderne

Ambrose Bierce, un écrivain américain, publie le Dictionnaire du Diable entre 1881 et 1906 et en 1893 Can Such Things Be ? (De telles choses sont-elles possibles ?). Ce recueil d’histoires fait entrer les fantômes dans la modernité.

H.G. va ira plus loin en 1898 avec War of the Worlds (La guerre des mondes), généralement classé comme un mélange de science-fiction et d’horreur, qui emmène l’horreur dans le futur, présentant une toute nouvelle source de peur et d’anxiété pour les lecteurs : l’humanité est confrontée à des extraterrestres hostiles.

Le tournant du siècle a également vu les premières expériences de film d’horreur, qui tendent vers l’horrible et le fantastique. Le premier véritable film d’horreur a été l’adaptation de William N. Selig en 1908 du Dr. Jekyll et M. Hyde de Stevenson, qui dure seize minutes. La première adaptation cinématographique parait plus tard, en 1910. Réalisé par J. Searle Dawley, la production du film a nécessité l’aide de Thomas Edison.

À cette époque, la nouvelle remplace le roman comme support pour la plupart des auteurs d’horreur. En 1907, Algernon Blackwood publie The Listener, qui contient sa nouvelle la plus appréciée, The Willows. Blackwood est membre du Golden Dawn, une société secrète britanique créée par Samuel Liddell MacGregor Mathers en 1888 et dédiée à l’étude des sciences occultes. L’organisation a accueilli de nombreux écrivains éminents, de Aleister Crowley à William Butler Yeats, Lord Dunsany, Arthur Machen et Sax Rhomer (qui est tombé dans l’oubli mais qui était très populaire auprès de ses contemporains). Les membres de l’Ordre sont responsables de la majorité des fictions d’horreur produites au Royaume-Uni à l’époque. Leur travail a également marqué la fin d’une époque pour l’horreur ; peu après, la popularité du genre s’estompe.

Dennis Wheatley est un écrivain anglais extrêmement populaire entre les années 1930 et 1960. Il se concentré sur l’occultisme et ses thrillers ont inspiré la série des James Bond de Ian Fleming. James Herbert et Clive Barker ont commencé à publier des ouvrages d’horreur en Grande-Bretagne dans les années 1970 et 1980.

En Amérique, l’horreur est florissante. En 1923, le premier numéro de Weird Tales est paru, un magazine de type pulp. En 32 ans, le magazine n’a jamais été rentable, mais il a tout de même présenté un certain nombre d’auteurs toujours célèbres comme H.P. Lovecraft et Ray Bradbury. Quatre ans plus tard, Lovecraft publie The Call of Cthulhu (L’appel de Cthulhu), ce qui lui valut les éloges de la critique et la reconnaissance comme l’un des plus grands auteurs d’horreur de l’époque.

L’impact de l’histoire moderne sur l’horreur

La Grande Dépression des années 1930 ne fait qu’accroître l’intérêt des Américains pour le surnaturel et l’effroyable. Un certain nombre d’émissions de radio sur le thème de l’horreur ont vu le jour, notamment The Shadow (1930) et The Spider (1933). Ces deux émissions ont eu des retombées positives sous forme de romans et de bandes dessinées. Mais les années 1930 ont également marqué la dernière décennie des romans en fascicules. L’éditeur Henry Steeger s’est rendu au Grand Guignol pour trouver l’inspiration et est revenu pour faire revivre la série des Dime Mystery Novels soit les « romans à deux sous ». Il y ajoute la série des Contes de la terreur et des Histoires d’horreur au cours des deux années suivantes. Les romans en fascicules existent jusqu’en 1941.

Les horreurs très réelles de la Seconde Guerre mondiale ont éclipsé les histoires de fiction. Bien que Ray Bradbury et quelques autres auteurs importants aient continué à publier des histoires d’horreur et de la science-fiction, ce n’est que dans les années 1950 que l’horreur a connu un nouvel essor. I Am Legend (Je suis une légende !) de Richard Matheson est, en 1954, le premier roman moderne sur les vampires. Il raconte la vie d’un homme normal qui vit parmi les vampires. The Haunting of Hill House (Maison Hantée) de Shirley Jackson en 1959 reste l’un des romans de genre les plus acclamés par la critique au cours des soixante dernières années et raconte l’histoire d’un docteur qui espère trouver des preuves scientifiques de l’existence du surnaturel dans un manoir réputé hanté où il invite quatre personnes à y vivre pendant l’été, lesquels commencent à expérimenter des évènements étranges dans la maison. Il s’agit d’un roman emblématique ayant pour thème une maison hantée.

L’année 1957 connait un autre événement marquant dans l’histoire moderne du genre de l’horreur. Ed Gein, un fermier du Wisconsin, est arrêté pour le meurtre de Bernice Worden. Lorsque les autorités ont fouillé la maison de Gein, elles ont découvert les restes d’au moins quinze femmes différentes, en petits morceaux. Gein a admis avoir exhumé des corps et commis des actes de cannibalisme. Cette histoire a choqué et fasciné l’Amérique. Bien plus tôt, le film M le Maudit de Fritz Lang, tourné en 1931, est le premier film sur un tueur en série et se base sur le tueur en série Peter Kürten, le « Vampire de Düsseldorf ».

Mais le tueur en série ne trouve pas encore sa voie dans la fiction. L’histoire du Gein inspire Psycho (Psychose) de Robert Bloch en 1959 et ouvre la voie à des œuvres comme la série Hannibal Lecter de Thomas Harris. Le tueur en série est devenu depuis un archétype indispensable du genre.

La guerre froide inaugure une nouvelle ère de paranoïa et de peur de l’invasion. Ces craintes se concrétisent dans des œuvres comme le roman d’Ira Levin Rosemary’s Baby (Un bébé pour Rosemary) en 1967. Ce fut la première œuvre de fiction spéculative de premier plan. Il a également marqué un retour vers le roman comme forme préférée des auteurs d’horreur. Ce roman raconte l’histoire l’histoire de Rosemary, une femme au foyer profondément catholique qui emménage avec son mari face à des voisins maîtres d’une secte satanique qui lui révèlent que l’enfant qu’elle porte est l’antéchrist, fils de Satan.

Les années 1970 connaissent de nombreuses publications de romans d’horreur, à commencer par The Exorcist (L’exorciste) de William Peter Blatty en 1971 et Carrie de Stephen King en 1974. Stephen King fait irruption non seulement sur la scène américaine de l’horreur, mais aussi dans le monde de la littérature. Carrie raconte la vie d’une élève maltraitée par sa mère hystérique et ultra-religieuse et ses camarades de classe, dotée de pouvoirs télékinétiques qui se développent au fil de l’histoire. En 1975, il est le premier à planter le décor d’une histoire de vampires aux États-Unis dans ‘Salem’s lot (Salem), jusqu’ici toutes les histoires de vampire, se déroulaient en Europe. Avant l’arrivée de Stephen King, l’horreur traite de choses extraordinaires qui arrivaient à des gens ou des lieux extraordinaires. King traite ces choses extraordinaires et les fait arriver à monsieur et madame tout-le-monde, habitant des endroits ordinaires.

Peter Benchley publie Jaws (Les dents de la mer) en 1975, qui a été un véritable tournant pour l’histoire d’horreur de monstres. Et Anne Rice publie Interview with the Vampire (Entretien avec un vampire) en 1976, ce qui redonne vie à la fiction sur les vampires.

Les nouvelles technologies apportent de nouvelles possibilités aux réalisateurs de films d’horreur des années 1980. Rapidement, l’accent est mis sur le gore, et le genre cinématographique perd la faveur du grand public. Mais le roman d’horreur jouit d’une excellente réputation pour la qualité de son écriture. En 1981, Thomas Harris publie Red Dragon (Dragon rouge), le premier roman de sa série Hannibal Lecter. Ce roman reste l’un des portraits de tueur en série qui a connu le plus grand succès commercial, et a marqué le début de l’engouement des décennies suivantes pour les tueurs en série. Le recueil de nouvelles du dramaturge londonien Clive Barker, The Books of Blood (Le livre de sang), marque en 1984 une nouvelle ère d’horreur au Royaume-Uni et en Europe. Il reste une figure influente, repoussant les limites du genre et alimentant le débat sur la façon dont il devrait être défini.

Conclusion

Ces dernières années, les figures de vampires, de loups-garous et de zombies en sont venus à dominer le genre de l’horreur. Les années 1990 ont été une période de compromis et de conscience de soi pour le genre. La série Chair de Poule de R.L. Stine est le phénomène de l’édition de la décennie, préparant d’une certaine manière le terrain pour la série de Harry Potter de J.K. Rowling, la saga His Dark Materials (A la croisée des mondes) de Philip Pullman et même la série Twilight de Stephanie Meyer.

Bien que l’horreur ait fait un long chemin depuis ses racines gothiques, il ne fait aucun doute que le genre continuera à s’épanouir et à évoluer.

Sam Zylberberg
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2 réflexions au sujet de “Histoire des histoires d’horreur”

  1. Bonsoir,
    Je vous remercie infiniment pour cet exposé, détaillé et très utile. Je constate que le genre de l’horreur a des racines dans la littérature anglaise (le roman gothique, ensuite plus tard, la littérature américaine). Pourriez-vous expliquer la réticence française, particulièrement vis-à-vis de la fiction d’horreur ? Le paysage littéraire français ne compte que quelques rares exemples, surtout dans la période allant des années 50 à 80.

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