Histoire de la lutte contre les nuisibles

Depuis la nuit des temps, humains et animaux dits nuisibles cohabitent.
Depuis sa sédentarisation et la domestication des plantes, l’homme doit développer des techniques de protection contre les dangers des animaux qui ravagent les plantations ou les lieux de stockage.

Presque toutes les civilisations font référence à des mesures de lutte contre les nuisibles et à l’utilisation de substances organiques ou chimiques pour tuer ou repousser insectes, rats, et autres animaux déprédateurs.

Découvrez comment l’homme s’est débrouillé au cours des périodes historiques pour lutter contre les ravageurs !

La lutte contre les parasites dans l’Antiquité

Vers 2500 av. J.-C., les Sumériens utilisent du souffre pour tuer les insectes. Premier signalement de la lutte contre les insectes ravageurs.

La civilisation grecque antique utilise le feu pour chasser les sauterelles vers la mer.
Le mathématicien grec Pythagore a drainé les marais d’une ville silicienne pour combattre la malaria.

Dès 1200 av. J.-C., les Chinois déploient des fourmis prédatrices contre des ravageurs comme les coléoptères et les chenilles.
Ils utilisent des ennemis naturels pour lutter contre les pestes, par exemple dans la culture des agrumes en attachant les branches des plantes avec des cordes pour permettre aux fourmis de se déplacer plus facilement à travers les fruits pour éliminer les insectes nuisibles.

Les Chinois découvrent ce qu’on nomme aujourd’hui la phénologie qui est le lien entre le climat et les phénomènes biologiques périodiques. Cette science qui permet de choisir le moment de la plantation d’une culture pour éviter les attaques de ravageurs.

Des documents datant de 500 ans av. J.-C., décrivent l’utilisation en Chine du mercure et de l’arsenic sur la peau de l’homme pour lutter contre les poux.
A la même époque, on retrouve des documents Égyptiens sur l’utilisation de moustiquaires au-dessus des lits pour empêcher les moustiques de troubler le sommeil.

Les chats ou des races spécifiques de chiens (comme le chien ratier Affenpinscher) sont utilisés pour lutter contre les rats et leur prolifération. Un commerce de chats ratiers existe depuis l’antiquité tardive. Des marchants Vénitiens rapportent des cargaisons entières de chats qui retombent sur leurs pattes pour éradiquer les rats dans la Lagune et de lutter contre la peste.

La lutte contre les nuisibles au Moyen-Âge

En Europe, la lutte antiparasitaire a été fortement ralentie durant le Moyen-Âge.
La superstition est omniprésente (et même enseignée à l’université !) et la force de l’Église impliquent que les nuisibles et notamment les puces sont considérés comme une punition de la part de Dieu.
La valeur symbolique associée aux nuisibles et notamment au rat est fortement négative: il détruit les récoltes et propage les économies.
La plupart des tactiques de chasse aux nuisibles adoptées durant le Moyen-Âge tirent leurs racines (et leurs recettes) de la superstition.

De nombreux massacres de chats sont organisés durant le Moyen-Âge, car ils sont associés à la sorcellerie. Ces massacres réduisent considérablement la population de chats en Europe et permet au rat de proliférer et de répandre la peste bubonique (leurs pucent en étaient porteuses).

Cette situation dure jusqu’à la Renaissance, lorsqu’un changement de paradigme s’opère et lorsque les insectes sont pensés non plus comme une punition divine mais comme un phénomène de l’ordre naturel du monde, que l’on peut contrôler.

En 1000, les agriculteurs arabes utilisaient une espèce de fourmis des régions montagneuses pour s’attaquer aux fourmis locales qui consomment les cultures de dattes. médicales et agricoles.

En Asie, en 1001, les Chinois utilisent le savon comme pesticide.
Les extraits de plantes comme l’huile de citron et l’absinthe et les produits chimiques comme l’arsenic et le soufre sont utilisés pour repousser la vermine.

La lutte contre la vermine aux Temps Modernes

En Europe, durant la Renaissance, les observations scientifiques sur les nuisibles se développent au même titre que les techniques pour les piéger.
Durant le XVIème siècle, les infusions de tabac (donc de nicotine), les herbes et l’arsenic deviennent les principaux poisons utilisés pour lutter contre les insectes nuisibles. Ces substances sont devenues les principaux instruments de lutte antiparasitaire de l’époque. Au début de la Renaissance, la lutte antiparasitaire exige beaucoup de travail manuel. Cependant, la découverte d’instruments mécaniques permet rapidement de diminuer le temps consacré à la lutte contre la vermine.

Le premier piège à insectes mécanique est développé au début des années 1700 par Franz Bruckmann, un minéralogiste allemand.
En 1730-31, Réaumur publie un article sur l’importance de la sommation de la température dans la détermination de la phénologie des insectes et de la résistance des plantes aux insectes.

La lutte contre les nuisibles à l’Époque contemporaine

La lutte antiparasitaire moderne est capitale dans l’Angleterre victorienne. Le piège à puces victorien, mis au point vers 1840, est un instrument très populaire.

Depuis plus d’un siècle, des campagnes de dératisation sont organisées par les gouvernements de plusieurs pays afin de lutter contre les rats dans les campagnes et dans les villes. L’objectif de ces campagnes de lutte contre les rats est de diminuer la taille de population des rats, de la contenir, et de réduire les risques sanitaires.

Schéma d'un des tout premiers pièges à rats/souris, datant du XIXème siècle.
Schéma d’un des tout premiers pièges à rats/souris, datant du XIXème siècle.

L’utilisation de pesticides pour tuer les nuisible prend de l’importance à partir de la fin des années 1800, grâce à l’invention de divers insecticides synthétiques, tels que le dichlorodiphényltrichloroéthane  (DDT) synthétisé dès 1874 mais dont les propriétés  insecticides et acaricides ne sont découvertes que dans les années 1930.

Des gaz neurotoxiques organophosphates sont utilisés par le régime nazi  (et produits par la firme IG Farben sous le nom de Zyklon B) pour exterminer des hommes, femmes et enfants durant la Seconde Guerre mondiale considérés comme nuisibles parce qu’ils étaient juifs, homosexuels, communistes, handicapés ou tsiganes.

Il est important de mettre en perspective ce fait, ce qui a été fait massivement sur des insectes pendant des siècles a été réalisé par des hommes sur d’autres hommes et continue d’être perpétué dans les zones de conflit actuelles comme la Syrie (bombardements chimiques, utilisation de gaz neurotoxiques, etc.) pour massacrer des populations.

Après la guerre, l’intérêt porté à ces gaz ne faiblit pas. Ils sont même utilisés comme agents antiparasitaires en raison de leurs propriétés insecticides…
D’autres hydrocarbures chlorés et organophosphorés sont largement utilisés comme pesticides.

Durant les années 1950-1960 a lieu la révolution verte durant laquelle pesticides et engrais synthétiques sont considérés comme la réponse à la faim dans le monde.
On observe une tendance générale à s’éloigner de la compréhension de la phénologie, de la densité ou du potentiel d’endommagement des ravageurs et à adopter une approche purement chimique.

Des questions émergent dès le début des années 1960 sur les effets néfastes des pesticides sur la faune, la qualité de l’eau et la santé humaine alors que les premières études montrent la présence de DDT dans le lait et certains aliments et que l’on constate une résistance de certains parasites aux pesticides: des super-insectes et des mauvaises herbes.

Fin des années 1970 et durant les années 1980, les effets secondaires nocifs des pesticides sur l’homme entraînent une prise de conscience de leur danger et la mise au point de nouvelles approches, comme l’utilisation de tactiques biologiques ou génétiques pour éliminer la capacité des ravageurs à se reproduire ou à modifier leur comportement pour préserver les cultures et se prémunir de leurs effets.

Ce type de réflexion émerge aussi par rapport à l’impact des détergents sur l’environnement.

 

Sam Zylberberg
Les derniers articles par Sam Zylberberg (tout voir)

Laisser un commentaire