L’Est de la France, territoire montagneux par excellence avec le massif du Jura, les Vosges et les Alpes, offre un patrimoine fromager d’une richesse exceptionnelle. Des vastes combes jurassiennes où naissent les meules géantes de Comté aux alpages savoyards parfumés d’où descendent les Reblochon et Beaufort, ces régions orientales conjuguent reliefs majestueux, savoir-faire ancestral et excellence fromagère reconnue mondialement.
Cette troisième étape de notre tour de France fromager nous emmène explorer les spécialités de l’Est, où le lait de vache règne en maître sur des terroirs d’altitude préservés. Après avoir découvert les fromages du Nord et du Centre, découvrons maintenant les trésors fromagers de Franche-Comté, Savoie, Alsace-Lorraine et Bourgogne qui font la fierté de l’Est français.
⚡ En bref : Les fromages de l’Est de la France
Treize fromages emblématiques dominent l’Est : les pâtes pressées cuites (Comté, Beaufort, Abondance), pâtes pressées non cuites (Morbier avec sa raie noire cendrée, Tomme de Savoie, Reblochon de la tartiflette), pâtes molles à croûte lavée (Munster vosgien, Mont d’Or coulant servi chaud, Époisses et Langres champenois), pâtes molles à croûte fleurie (Saint-Marcellin du Dauphiné), et un fromage de chèvre (Picodon ardéchois). Le Berthoud n’est pas un fromage mais un mets savoyard à base d’Abondance fondu au vin blanc.
Le massif du Jura et les Alpes dominent la production : le relief montagneux favorise l’élevage bovin laitier d’altitude (races Montbéliarde, Abondance, Tarentaise) produisant un lait riche et aromatique grâce aux flores alpines. Le Comté (meule 40 kg, 4-36 mois d’affinage) est le premier fromage AOP français en volume (65 000 tonnes/an). Le Beaufort dit « prince des Gruyères » nécessite 500 litres de lait pour une meule. Le Morbier se distingue par sa raie noire historique (autrefois cendre, aujourd’hui charbon végétal alimentaire) séparant les deux traites.
Traditions et spécialités remarquables : le Reblochon provient de la seconde traite plus riche en crème (verbe savoyard « reblocher » = traire à nouveau), ingrédient star de la tartiflette. Le Mont d’Or (ou Vacherin), fromage d’hiver (15 août-15 mars), se sert chaud et coulant dans sa boîte en épicéa. Les pâtes lavées (Munster, Époisses, Langres) développent des arômes puissants grâce au lavage régulier favorisant les bactéries d’affinage. L’Est compte 16 AOP fromagères, témoignage de l’ancienneté et de la qualité des productions.
Les treize fromages emblématiques de l’Est de la France avec leurs régions et caractéristiques. Pâtes pressées cuites : Comté (Franche-Comté, meule 40kg, 4-36 mois affinage), Beaufort (Savoie, talon concave, prince des Gruyères), Abondance (Haute-Savoie, base du Berthoud). Pâtes pressées non cuites : Morbier (Jura, raie noire cendrée unique), Reblochon (Haute-Savoie, ingrédient tartiflette), Tomme de Savoie (IGP, croûte grise fleurie). Pâtes molles à croûte lavée : Munster (Vosges Alsace-Lorraine, odeur forte), Mont d’Or (Haut-Doubs, servi chaud coulant), Époisses (Bourgogne, lavé au marc), Langres (Champagne, fontaine au sommet). Pâtes molles à croûte fleurie : Saint-Marcellin (Dauphiné, 80g). Fromage de chèvre : Picodon (Ardèche, légèrement piquant). Mets savoyard : Berthoud (Abondance fondu au vin blanc). Infographie originale JeRetiens.
Les fromages à pâte pressée cuite : Comté, Beaufort, Abondance
L’Est de la France excelle dans la production de fromages à pâte pressée cuite, grandes meules d’exception nécessitant savoir-faire pointu et affinage long.
Le Comté : le géant jurassien
Le Comté est un fromage français de lait cru de vache à pâte pressée cuite, principalement produit en Franche-Comté (départements du Doubs, Jura, Ain et quelques communes de Saône-et-Loire). Le Comté bénéficie de l’AOP depuis 1958 et représente le premier fromage AOP français en volume de production avec environ 65 000 tonnes produites annuellement par 140 fruitières (fromageries coopératives).

Une meule de Comté pèse entre 32 et 45 kg (en moyenne 40 kg) pour un diamètre de 55-75 cm et une épaisseur de 9-13 cm. Sa fabrication nécessite 400 à 450 litres de lait, soit la production quotidienne de 25 à 30 vaches Montbéliardes ou Simmental françaises (les deux seules races autorisées). Le lait doit provenir de vaches nourries essentiellement à l’herbe et au foin, sans ensilage, ce qui confère au Comté ses qualités aromatiques exceptionnelles.
La fabrication suit un processus rigoureux : le lait cru est chauffé à 54°C dans d’immenses cuves en cuivre de 5000 litres, le caillé est découpé finement (grains de maïs), brassé, pressé dans des moules pendant 24 heures, puis salé au sel sec ou en saumure pendant plusieurs jours. Ensuite débute l’affinage en cave : minimum 4 mois légalement, mais généralement 8 à 12 mois pour un Comté « fruité », 18 à 24 mois pour un « vieux Comté », jusqu’à 36 mois et plus pour les « extra-vieux » réservés aux connaisseurs.
Le Comté développe une palette aromatique d’une complexité rare : notes de beurre, noisette, caramel au lait jeune, puis avec l’âge fruits secs (noix, amande), notes grillées, épicées, florales (tilleul), parfois chocolatées ou torréfiées. La texture évolue de souple et fondante à plus ferme avec de petits cristaux de tyrosine croquants dans les vieux Comtés. Chaque meule est notée de 1 à 20 points par un jury professionnel : 15+ = cloche verte (extra), 12-15 = cloche brune (excellent), <12 = pas de cloche (standard). Le Comté s’exporte dans 60 pays et incarne l’excellence fromagère jurassienne.
Le Beaufort : le prince des Gruyères
Le Beaufort est un fromage français au lait cru de vache à pâte pressée cuite produit en Savoie (73) et Haute-Savoie (74), dans le massif du Beaufortain et les vallées voisines. Il bénéficie de l’AOP depuis 1968 et du surnom prestigieux de « prince des Gruyères » attribué par Brillat-Savarin au XIXe siècle.

La meule de Beaufort est reconnaissable à son talon concave caractéristique (creusé, contrairement au Comté qui est droit) résultant de l’utilisation d’un cercle de bois de hêtre appelé « cercle à Beaufort » durant le pressage. Elle pèse 40 à 70 kg pour un diamètre de 35-75 cm. Sa fabrication exige 500 litres de lait pour une meule de 50 kg, soit la production de 35 à 40 vaches Tarine ou Abondance.
Le Beaufort se décline en trois catégories selon l’origine et la saison : Beaufort (production toute l’année en vallée), Beaufort d’été (lait produit en alpage entre 1er juin et 31 octobre, marqué d’une cloche bleue), Beaufort Chalet d’alpage (production et transformation en alpage dans le chalet même, mention la plus prestigieuse, marqué d’une cloche verte).
L’affinage dure minimum 5 mois (souvent 8-12 mois, jusqu’à 24 mois pour les Beauforts vieux). Durant cette période, les meules sont retournées et frottées régulièrement avec de l’eau salée (morge), favorisant le développement d’une croûte épaisse orangée. Le Beaufort développe des arômes de fruits secs, miel, fleurs de montagne, avec une texture fondante et onctueuse remarquable. Sa richesse (48% de matière grasse) et sa douceur en font un fromage apprécié aussi bien sur plateau qu’en cuisine (fondues, gratins, soufflés). Production annuelle : environ 6 000 tonnes.
L’Abondance : le fromage des moines
L’Abondance est un fromage français au lait cru entier de vache, à pâte pressée demi-cuite (température de cuisson inférieure au Comté et Beaufort), produit en Haute-Savoie (74). Il bénéficie de l’AOP depuis 1990. Son nom vient de la vallée d’Abondance et de la race bovine Abondance qui y est élevée.

La meule pèse 7 à 12 kg (format plus modeste que Comté ou Beaufort) pour un diamètre de 38-43 cm. Sa particularité distinctive est la plaque de caséine ovale bleue incrustée dans le talon portant le numéro d’identification du producteur. La croûte est brossée régulièrement durant l’affinage (minimum 3 mois, généralement 4-6 mois, jusqu’à 18 mois pour les affinages prolongés).
L’histoire de l’Abondance remonte aux moines cisterciens de l’abbaye d’Abondance (XIIe siècle) qui développèrent l’élevage et la fromagerie dans la vallée. Le fromage était déjà réputé au Moyen Âge et fut servi lors du conclave d’Avignon en 1381 pour l’élection du pape. La race Abondance, vache robuste au pelage acajou avec taches blanches et lunettes blanches autour des yeux, produit un lait riche particulièrement adapté à la fromagerie.
Le goût de l’Abondance est fruité, avec des notes de noisette, fleurs de montagne et beurre. La texture est souple, fondante, légèrement élastique. Plus doux et moins typé que le Comté ou Beaufort, il séduit par son équilibre et son onctuosité. Il est l’ingrédient principal du Berthoud, mets savoyard traditionnel de la région chablaisienne où l’Abondance râpé est fondu avec du vin blanc de Savoie, de l’ail et servi coulant avec des pommes de terre en robe des champs. Production annuelle : environ 800 tonnes.
Les fromages à pâte pressée non cuite : Morbier, Reblochon, Tomme de Savoie
Le Morbier : le fromage à la raie noire
Le Morbier est une appellation d’origine protégée désignant un fromage de lait cru de vache, à pâte pressée non cuite, fabriqué dans le massif du Jura, dans les départements du Doubs (25), du Jura (39) et de l’Ain (01). L’AOP a été obtenue en 2000.

Le Morbier est surtout connu pour sa raie noire horizontale (ligne cendrée) qui le scinde en deux dans le sens de l’épaisseur, signature visuelle unique dans le paysage fromager français. Autrefois, le Morbier était réalisé en deux fois par les fermiers jurassiens : d’abord avec le caillé de la traite du soir/matin qui était ensuite recouvert d’une fine couche de cendre de bois pour le protéger des insectes et des poussières durant la nuit, puis le lendemain, le caillé issu de la deuxième traite était ajouté par-dessus. Cette technique permettait de ne pas gaspiller le lait lorsque la quantité était insuffisante pour faire un Comté (qui nécessite 400 litres). Aujourd’hui, la raie noire est obtenue par une ligne de charbon végétal alimentaire sans autre fonction que décorative et identitaire, mais elle perpétue la tradition historique.
La meule de Morbier pèse 5 à 8 kg pour un diamètre de 30-40 cm. L’affinage dure minimum 45 jours (généralement 2-3 mois). La croûte est brossée et lavée régulièrement, prenant une couleur beige à orangée. La pâte est ivoire, souple, fondante, avec parfois quelques petits trous. Le goût est doux, lacté, fruité, avec des notes de crème et de noisette. L’odeur est modérée malgré le lavage de croûte. Le Morbier est un fromage d’initiation parfait aux pâtes pressées, accessible et apprécié de tous. Production annuelle : environ 5 000 tonnes.
Le Reblochon : l’ingrédient star de la tartiflette
Le Reblochon est un fromage crémeux de lait de vache à pâte pressée non cuite, à croûte lavée, provenant des Alpes, fabriqué en Haute-Savoie (74). L’AOP date de 1958. Son nom provient du verbe savoyard « reblocher » qui signifie traire à nouveau, après une première traite.

L’histoire du Reblochon est pittoresque. Au Moyen Âge, les fermiers savoyards payaient un droit au propriétaire foncier calculé sur la quantité de lait produite. Lors du contrôle, les fermiers rusés ne trayaient leurs vaches qu’incomplètement. Une fois le contrôleur parti, ils effectuaient une seconde traite (le « reblocage ») dont le lait, plus riche en crème car provenant de la fin de traite, servait à fabriquer un fromage pour leur consommation personnelle : le Reblochon. Cette deuxième traite donne effectivement un lait plus gras et crémeux, idéal pour produire un fromage onctueux.
Le Reblochon se présente sous deux formats : Reblochon entier (450-550g, 13-14 cm de diamètre) et Petit Reblochon (240-280g, 9-10 cm). La croûte fine est de couleur jaune safran à orangée, légèrement humide et duveteuse. L’affinage dure minimum 15 jours (généralement 3-4 semaines) en cave fraîche avec retournements et lavages réguliers. La pâte est souple, crémeuse, fondante, de couleur ivoire à jaune pâle. Le goût est doux, lacté, avec des notes de noisette, champignon et crème. L’odeur est modérée, légèrement animale.
Le Reblochon est célèbre pour être l’ingrédient principal de la tartiflette, plat emblématique savoyard inventé dans les années 1980 par le Syndicat Interprofessionnel du Reblochon (recette marketing qui connut un succès phénoménal). La tartiflette associe pommes de terre, lardons, oignons et Reblochon fondu, gratiné au four. Production annuelle de Reblochon : environ 17 000 tonnes, dont 75% en version fermière (pastille verte de caséine) et 25% en laiterie (pastille rouge).
La Tomme de Savoie : la simplicité montagnarde
La Tomme de Savoie est un fromage français à pâte pressée non cuite produit en France dans la région alpine de Savoie, regroupant les départements de la Savoie (73) et de la Haute-Savoie (74). Elle bénéficie de l’IGP (Indication Géographique Protégée) depuis 1996.

Le terme « tomme » (ou « tome » avec un seul « m ») désigne généralement un fromage de montagne de taille moyenne, cylindrique, à pâte pressée. En Savoie, il existe plusieurs variantes : la Tomme de Savoie IGP (la plus connue), la Tome des Bauges AOP (avec un seul m, orthographe traditionnelle, plus typée), et diverses tommes fermières artisanales. La Tomme de Savoie pèse 1,5 à 2 kg pour un diamètre de 18-20 cm.
Traditionnellement, la Tomme était fabriquée avec le lait partiellement écrémé (la crème servait à faire du beurre), ce qui lui confère une teneur en matière grasse relativement faible (20-40% sur extrait sec, contre 45-50% pour la plupart des fromages). Cette caractéristique en fait un fromage « allégé » apprécié des consommateurs soucieux de leur ligne. L’affinage dure 1,5 à 3 mois. La croûte épaisse est grise avec des moisissures naturelles blanches, jaunes, rouges (croûte dite « fleurie » naturellement). La pâte est ferme mais souple, de couleur ivoire à jaune pâle, avec quelques petits trous.
Le goût de la Tomme de Savoie est doux, fruité, avec des notes de noisette, cave et champignon. C’est un fromage de tous les jours, accessible, économique, qui se consomme aussi bien nature qu’en cuisine (gratins, tartes). Sa polyvalence et son prix modéré en font un incontournable des tables savoyardes. Production annuelle : environ 5 000 tonnes pour la Tomme de Savoie IGP.
Il existe aussi la Boudane, variante très proche de la Tomme, traditionnellement fabriquée dans le Val d’Arly (Haute-Savoie).
Les fromages à pâte molle : Munster, Mont d’Or, Époisses, Langres, Saint-Marcellin
Le Munster : la force vosgienne
Le Munster (ou Munster-Géromé) est un fromage de lait de vache à pâte molle, à croûte lavée, de forme cylindrique, produit par les Vosgiens dans l’Est de la France (en Lorraine et Alsace). L’AOP date de 1969. Son nom vient de la ville de Munster (Haut-Rhin) en Alsace, où les moines bénédictins développèrent sa fabrication au VIIe siècle.

Le Munster se présente en deux formats : grand Munster (13-19 cm de diamètre, 450g minimum) et Petit Munster (7-12 cm, 120g minimum). L’affinage dure minimum 21 jours pour le grand format, 14 jours pour le petit, mais généralement 5 à 10 semaines. Durant cette période, les fromages sont lavés 2 à 3 fois par semaine avec de l’eau salée additionnée de ferments d’affinage, ce qui favorise le développement de bactéries (Brevibacterium linens) responsables de la couleur orangée-rouge de la croûte et de l’odeur puissante caractéristique.
Le Munster est réputé pour son odeur forte qui peut rebuter les non-initiés, mais son goût en bouche est beaucoup plus doux que son nez ne le laisse supposer. La pâte est crémeuse, onctueuse, fondante, de couleur ivoire à jaune pâle. Les arômes sont lactés, crémeux, avec des notes de cave, champignon et une légère pointe animale. Il se déguste traditionnellement avec des pommes de terre en robe des champs, accompagné de cumin (épice traditionnelle vosgienne) et d’un vin blanc d’Alsace (Gewurztraminer, qui supporte parfaitement la puissance du fromage). Production annuelle : environ 8 000 tonnes.
Le Mont d’Or : le fromage d’hiver coulant
Le Mont d’Or (appelé aussi Vacherin Mont d’Or côté suisse) est un fromage au lait cru de vache à pâte molle à croûte lavée produit en Franche-Comté, dans le Haut-Doubs, près du massif du Jura. L’AOP française date de 1981.

Le Mont d’Or est unique à plusieurs titres. Premièrement, c’est un fromage saisonnier : sa production est autorisée uniquement du 15 août au 15 mars, et sa commercialisation du 10 septembre au 10 mai. Cette restriction historique correspondait à la période hivernale où le lait était insuffisant pour fabriquer des Comtés (qui nécessitent 400 litres). Deuxièmement, il est cerclé d’une sangle d’épicéa qui maintient le fromage et lui confère un arôme résineux subtil caractéristique. Troisièmement, il est conditionné dans une boîte en épicéa qui sert également de plat de cuisson.
En France (Haut-Doubs), il est appelé « Mont d’Or » (sans trait d’union), tandis qu’en Suisse (canton de Vaud), il est appelé « Vacherin Mont-d’Or » (avec trait d’union). Les deux sont des AOP distinctes avec des cahiers des charges différents. Le nom vient du mont d’Or dans le massif du Jura.
Le Mont d’Or pèse 480g à 3,2 kg. L’affinage dure minimum 21 jours sur des planches d’épicéa en cave froide et humide, avec lavages réguliers. La croûte est plissée, légèrement orangée. La pâte devient crémeuse à coulante à pleine maturité. Le Mont d’Or se sert chaud : on ôte le couvercle de la boîte, on frotte la croûte avec de l’ail, on fait quelques incisions, on ajoute un filet de vin blanc, et on enfourne 30-40 minutes à 180°C. Le fromage devient alors complètement coulant, se déguste à la cuillère avec des pommes de terre, de la charcuterie et une salade verte. Servi froid, il reste crémeux mais moins spectaculaire. Production annuelle : environ 5 000 tonnes.
L’Époisses et le Langres : les pâtes lavées bourguignonnes
L’Époisses est un fromage français à pâte molle, à croûte lavée, de la région Bourgogne-Franche-Comté (Côte-d’Or (21), Yonne (89), Haute-Marne (52)). Son nom vient de la commune d’Époisses située dans le département de la Côte-d’Or. L’AOP date de 1991.

L’Époisses fut créé au XVIe siècle par les moines cisterciens de l’abbaye d’Époisses. Il faillit disparaître après la Première Guerre mondiale mais fut relancé en 1956 par la famille Berthaut qui en assure encore aujourd’hui la production principale. L’Époisses se présente en deux formats : petit (250-350g, 9,5-11,5 cm) et grand (700g-1,1kg, 16,5-19 cm). L’affinage dure minimum 28 jours avec lavages 2-3 fois par semaine au marc de Bourgogne (eau-de-vie de raisin), ce qui confère à la croûte sa couleur rouge-orangé caractéristique et son odeur très puissante.
L’Époisses est considéré comme l’un des fromages français les plus odorants, mais comme souvent avec les pâtes lavées, le goût est plus doux que l’odeur ne le suggère. La pâte est onctueuse, crémeuse, fondante à cœur. Les arômes mêlent notes lactées, cave, champignon, avec une légère pointe animale et une touche alcoolisée due au marc. Brillat-Savarin le qualifiait de « roi des fromages ». Il se déguste idéalement à température ambiante avec du pain et un vin rouge de Bourgogne puissant. Production annuelle : environ 1 500 tonnes.
Le Langres est un fromage français à base de lait de vache, à pâte molle à croûte lavée, de la région Champagne, originaire du plateau de Langres (Haute-Marne). L’AOP date de 1991.

Le Langres se distingue par sa forme tronconique avec une dépression naturelle au sommet appelée « fontaine » (ou « cuvette »), résultant du non-retournement du fromage durant l’affinage (contrairement aux autres fromages qu’on retourne régulièrement). Cette fontaine peut être remplie de Champagne ou de marc pour le service, créant un effet spectaculaire. Trois formats existent : petit (150-250g), moyen (280-350g), gros (800g-1,3kg).
L’affinage dure 15 à 21 jours avec lavages à l’eau salée teintée de rocou (colorant naturel orangé), donnant à la croûte sa couleur rouge-orangée. Le Langres est plus doux que son concurrent régional l’Époisses, avec une odeur moins puissante mais une texture tout aussi crémeuse. Les arômes sont lactés, légèrement piquants, avec des notes de cave et une pointe acidulée. Il s’accorde parfaitement avec le Champagne, mariage régional classique. Production annuelle : environ 600 tonnes.
Le Saint-Marcellin : la douceur dauphinoise
Le Saint-Marcellin est un petit fromage du Dauphiné à base de lait de vache, à pâte molle à croûte fleurie naturelle. Sa production est réalisée avec le lait provenant de l’Isère (38), de la Drôme (26) et de la Savoie (73). Il bénéficie de l’IGP depuis 2013.

Le Saint-Marcellin doit son nom à la ville de Saint-Marcellin en Isère. Historiquement, il était fabriqué au lait de chèvre, mais depuis le début du XXe siècle, le lait de vache s’est généralisé (aujourd’hui 100% vache pour l’IGP, mais quelques producteurs artisanaux maintiennent la version au lait de chèvre hors IGP). C’est un petit fromage de 80g pour 7 cm de diamètre et 2 cm d’épaisseur.
L’affinage dure de 2 à 6 semaines. Jeune (2-3 semaines), le Saint-Marcellin est frais, blanc, légèrement acidulé, avec une texture friable. Demi-affiné (4-5 semaines), il prend une croûte bleu-gris fleurie naturellement, la pâte devient crémeuse. Bien affiné (6 semaines et plus), il est coulant, onctueux, avec des arômes plus prononcés de cave, champignon et noisette.
La légende raconte que Louis XI, chassant en Dauphiné en 1477, fut sauvé d’une attaque d’ours par des bûcherons qui lui offrirent du Saint-Marcellin. Le roi, conquis, en fit livrer régulièrement à la cour, contribuant à sa renommée. Le Saint-Marcellin se déguste nature, mais aussi chaud (passé quelques minutes au four, il devient coulant comme le Mont d’Or), sur une salade de mâche aux noix. Production annuelle : environ 1 500 tonnes.
Le Picodon : le fromage de chèvre ardéchois
Le Picodon est un fromage au lait cru de chèvre à pâte molle et à croûte naturelle produit dans les Cévennes ardéchoises (Ardèche (07), Drôme (26)). L’AOP date de 1983. Son nom viendrait de l’occitan « picaoudou » signifiant « qui pique » en référence à son goût légèrement piquant lorsqu’il est bien affiné.

Le Picodon est un petit fromage rond (5-7 cm de diamètre, 1,8-2,5 cm d’épaisseur) pesant 45 à 60 grammes minimum. L’affinage dure au minimum 12 jours, mais deux méthodes traditionnelles existent : Picodon méthode Dieulefit (affinage minimum 4 semaines, fromage lavé puis séché, croûte blanche à bleue, pâte crémeuse) et Picodon affiné (minimum 2 semaines, croûte fine naturelle, pâte plus sèche).
Le Picodon jeune (2-3 semaines) offre une pâte blanche, friable, des saveurs caprines douces et acidulées. Bien affiné (5-8 semaines), il devient plus sec, cassant, avec un goût plus prononcé, légèrement piquant et des notes de noisette. Certains producteurs proposent des Picodons « à l’ancienne » affinés plusieurs mois, très secs et corsés.
Le Picodon se consomme nature, mais aussi chaud (le « Picodon à la braise » : chauffé au four, il devient coulant), mariné dans l’huile d’olive aux herbes de Provence, ou en salade. C’est un fromage emblématique de l’Ardèche, territoire de moyenne montagne aux paysages de châtaigniers et de garrigue où les chèvres trouvent une alimentation variée. Production annuelle : environ 600 tonnes.
Le Berthoud : mets savoyard à l’Abondance
Le Berthoud n’est pas un fromage, mais un mets savoyard traditionnel fait à base de fromage d’Abondance râpé et de vin blanc de Savoie, servi avec des pommes de terre en robe des champs. La recette du Berthoud est originaire de la région chablaisienne (Chablais savoyard, au sud du lac Léman, autour d’Évian et Thonon-les-Bains).

La préparation du Berthoud est simple mais nécessite un fromage Abondance de qualité. On frotte l’intérieur d’un caquelon individuel en terre cuite (petit récipient rond) avec une gousse d’ail, on dépose l’Abondance râpé, on ajoute du vin blanc (Crépy, Apremont ou autre blanc de Savoie), une pointe de poivre, et on enfourne 15-20 minutes à 180-200°C jusqu’à ce que le fromage soit fondu et légèrement gratiné. Le Berthoud se déguste très chaud, coulant, trempé avec des morceaux de pommes de terre cuites à l’eau.
Le Berthoud porte le nom de son inventeur présumé, un aubergiste du Chablais qui aurait créé cette recette. Une charcuterie traditionnelle du Chablais se nomme d’ailleurs la pormonaise (saucisse de porc aux herbes), souvent servie en accompagnement du Berthoud. Ce plat montagnard généreux incarne la convivialité et le réconfort de la cuisine savoyarde hivernale.
Conclusion : l’excellence fromagère de l’Est montagneux
L’Est de la France déploie un patrimoine fromager exceptionnel façonné par ses reliefs montagneux et ses traditions pastorales séculaires. Le massif du Jura et les Alpes, avec leurs alpages d’altitude et leurs races bovines adaptées (Montbéliarde, Abondance, Tarentaise), produisent des fromages d’exception reconnus mondialement : le Comté, géant jurassien premier fromage AOP français, le Beaufort « prince des Gruyères », l’Abondance des moines cisterciens, tous témoignent d’un savoir-faire millénaire transmis dans les fruitières coopératives.
La diversité des pâtes illustre la richesse technique de l’Est : pâtes pressées cuites nécessitant patience et affinage long (4 à 36 mois pour le Comté), pâtes pressées non cuites comme le Morbier à la raie noire historique ou le Reblochon de la tartiflette, pâtes molles à croûte lavée développant des arômes puissants (Munster vosgien, Époisses roi bourguignon, Mont d’Or coulant d’hiver), pâtes molles à croûte fleurie comme le Saint-Marcellin dauphinois. Chaque fromage raconte l’histoire de son terroir : les Vosges avec le Munster des moines bénédictins, la Bourgogne avec l’Époisses lavé au marc, la Savoie avec ses spécialités alpines (Reblochon, Beaufort d’alpage, Tomme), la Champagne avec le Langres à la fontaine naturelle. Ces seize AOP et IGP de l’Est représentent plus de 100 000 tonnes de production annuelle et incarnent l’excellence fromagère française, preuve que les montagnes orientales restent le cœur battant de la tradition laitière nationale.
Carte récapitulative des fromages de France
Voici une carte récapitulative complète des fromages AOP du Nord, du Centre, de l’Est (et du Sud), avec leurs départements d’origine et le relief français :
FAQ : Tout savoir sur les fromages de l’Est de la France
Quelle est la différence entre Comté, Beaufort et Gruyère ?
Ces trois fromages appartiennent à la famille des fromages à pâte pressée cuite de type « Gruyère », mais présentent des différences notables. Le Comté (Franche-Comté, Jura) : meule 32-45 kg, talon droit, lait de vaches Montbéliarde/Simmental, affinage 4-36 mois, arômes de noisette-caramel-fruits secs, production 65 000 tonnes/an. Le Beaufort (Savoie) : meule 40-70 kg avec talon concave caractéristique, lait de vaches Tarine/Abondance, affinage 5-24 mois, arômes de miel-fleurs de montagne, existe en version « été » et « chalet d’alpage », production 6 000 tonnes/an. Le Gruyère : version française (Savoie, Franche-Comté) similaire au Comté mais moins typé, et version suisse (Gruyère AOP suisse, canton de Fribourg) avec des différences de fabrication (cuisson plus poussée, affinage minimum 5 mois, jusqu’à 18 mois, arômes plus marqués, présence de cristaux de tyrosine). Les trois partagent la technique de pâte pressée cuite mais expriment chacun leur terroir spécifique. Le Beaufort se distingue visuellement par son talon concave unique.
Pourquoi le Morbier a-t-il une raie noire au milieu ?
La raie noire horizontale du Morbier est une caractéristique historique devenue signature identitaire. Autrefois, les fermiers jurassiens fabriquaient le Morbier en deux temps : après la traite du soir (ou du matin), ils moulaient le caillé mais la quantité était insuffisante pour faire un Comté (qui nécessite 400 litres). Ils protégeaient donc ce demi-fromage en le saupoudrant d’une fine couche de cendre de bois (récupérée dans la cheminée) pour le préserver des insectes et des poussières durant la nuit. Le lendemain, après la traite suivante, ils ajoutaient le nouveau caillé par-dessus, créant ainsi la raie noire médiane. Cette technique permettait de ne pas gaspiller le lait tout en fabriquant un fromage complet. Aujourd’hui, le processus a changé : la raie est obtenue en une seule fois en ajoutant une ligne de charbon végétal alimentaire (ou cendre végétale) purement décorative entre deux couches de caillé lors du moulage. La fonction n’est plus protectrice mais identitaire : la raie noire est la signature visuelle unique du Morbier AOP, hommage à la tradition historique.
Le Mont d’Or se mange-t-il chaud ou froid ?
Les deux préparations sont possibles, mais le Mont d’Or est particulièrement célèbre pour sa dégustation chaude et coulante. Version chaude (Mont d’Or chaud au four) : sortir le fromage du réfrigérateur 30 minutes avant, ôter le couvercle de la boîte en épicéa (conserver la boîte), retirer le papier sulfurisé, frotter la croûte avec une gousse d’ail coupée, faire quelques incisions dans la croûte avec un couteau, ajouter un filet de vin blanc (Arbois, Côtes du Jura) et éventuellement quelques dés d’ail, remettre dans la boîte, enfourner 30-40 minutes à 180°C. Le fromage devient complètement coulant, se déguste à la cuillère en trempant des morceaux de pommes de terre cuites, charcuterie (saucisse de Morteau), pain grillé. Version froide : sortir le fromage 1h avant dégustation, servir à température ambiante avec du pain et des pommes de terre. La texture est crémeuse mais pas coulante, les arômes d’épicéa et de cave sont bien présents. La version chaude est spectaculaire et très conviviale (repas d’hiver), la version froide permet de mieux apprécier les nuances aromatiques. Le Mont d’Or chaud est devenu un plat emblématique de la gastronomie franc-comtoise hivernale.
Pourquoi le Reblochon s’appelle-t-il ainsi ?
Le nom « Reblochon » provient du verbe savoyard « reblocher » qui signifie « traire une seconde fois ». Cette étymologie raconte une histoire savoureuse de ruse paysanne. Au Moyen Âge et jusqu’au XIXe siècle, les fermiers savoyards louaient leurs alpages et payaient un droit au propriétaire foncier calculé sur la quantité de lait produite par leurs vaches. Un contrôleur venait mesurer la production lors de la traite. Les fermiers rusés ne trayaient leurs vaches qu’incomplètement devant le contrôleur pour sous-déclarer la production et réduire leur redevance. Une fois le contrôleur parti, ils effectuaient une seconde traite complète (le « reblocage ») pour extraire le lait restant. Cette deuxième traite donnait un lait particulièrement riche en crème (la fin de traite est toujours plus grasse), idéal pour fabriquer un fromage très crémeux et onctueux pour leur consommation personnelle : le Reblochon. Cette origine frauduleuse est devenue la fierté du fromage ! Aujourd’hui, le Reblochon est toujours fabriqué avec du lait entier très crémeux, perpétuant la richesse de cette fameuse « seconde traite » qui a donné son nom et son caractère onctueux au fromage.
Peut-on visiter des fruitières pour voir fabriquer du Comté ?
Oui, de nombreuses fruitières (fromageries coopératives) du Jura proposent des visites pour découvrir la fabrication du Comté. Une fruitière est une coopérative laitière où les producteurs de lait locaux apportent leur production quotidienne pour la transformation collective en fromage. Le terme « fruitière » vient du franc-comtois « fruit », désignant le profit tiré de la vente du fromage. Il existe environ 140 fruitières à Comté en Franche-Comté. Exemples de fruitières visitables : Maison du Comté à Poligny (musée et centre d’interprétation, très pédagogique), Fort des Rousses (ancienne forteresse militaire reconvertie en cave d’affinage géante avec 100 000 meules, visites spectaculaires), Fromagerie de Thoiria (petite fruitière authentique avec démonstration fabrication), Fromagerie Guilloteau à Pélussin, nombreuses autres fruitières du Jura. Les visites (généralement 5-10€, gratuites pour enfants) incluent : observation de la fabrication en matinée (emprésurage, cuisson, moulage), explication du processus, visite des caves d’affinage, dégustation de Comté de différents âges, boutique avec vente directe. Meilleur moment : tôt le matin (8h-11h) pour voir la fabrication en direct. Réservation souvent recommandée. Une expérience passionnante pour comprendre la complexité de fabrication du Comté et l’organisation coopérative franc-comtoise unique.
Quel vin servir avec les fromages de l’Est ?
Les fromages de l’Est s’accordent merveilleusement avec les vins de leurs régions d’origine, mariages terroir classiques. Comté : vins blancs du Jura (Arbois blanc, Côtes du Jura Chardonnay, Vin Jaune pour Comté vieux), vins rouges légers du Jura (Poulsard, Trousseau), Champagne pour Comté jeune. Beaufort : vins blancs de Savoie (Apremont, Chignin-Bergeron/Roussanne, Roussette de Savoie), vins rouges de Savoie (Mondeuse). Reblochon : vins blancs de Savoie, rosés, vins rouges légers. Munster : vins blancs d’Alsace aromatiques (Gewurztraminer, Pinot Gris, Riesling), qui supportent la puissance du fromage. Mont d’Or : vins blancs du Jura (Arbois, Côtes du Jura), servis avec le Mont d’Or chaud. Époisses : vins rouges de Bourgogne puissants (Gevrey-Chambertin, Pommard), Marc de Bourgogne. Langres : Champagne (mariage régional parfait), vins rouges de Champagne (Bouzy, Coteaux Champenois). Règle générale : les vins blancs secs, légèrement acides et aromatiques accompagnent merveilleusement les pâtes pressées, tandis que les vins rouges structurés conviennent aux pâtes lavées odorantes. Les accords régionaux (fromage + vin de même terroir) fonctionnent presque toujours.
Combien de litres de lait faut-il pour faire une meule de Comté ?
Une meule de Comté de 40 kg (poids moyen) nécessite 400 à 450 litres de lait cru, soit la production quotidienne de 25 à 30 vaches Montbéliardes ou Simmental françaises. Ce ratio impressionnant (10-11 litres de lait par kilo de fromage) s’explique par plusieurs facteurs : extraction importante du lactosérum durant le pressage (le petit-lait représente 90% du volume initial du lait), cuisson du caillé qui accélère l’égouttage, pressage vigoureux des meules pendant 24 heures, et perte d’eau durant l’affinage (une meule perd 8-10% de son poids en eau durant les premiers mois, phénomène appelé « freinte »). Ce rendement fromager relativement faible (comparé à des fromages frais qui conservent plus d’eau) est compensé par la longue conservation, la complexité aromatique et la valeur ajoutée du Comté affiné. Pour produire les 65 000 tonnes de Comté annuelles, il faut donc environ 650 millions de litres de lait, fournis par 2 300 exploitations laitières franc-comtoises comptant environ 55 000 vaches. Chaque fruitière collecte le lait dans un rayon de 25 km maximum pour garantir la fraîcheur et la qualité. Cette organisation locale et l’alimentation des vaches à l’herbe et au foin (sans ensilage) expliquent les qualités exceptionnelles du Comté.
Pourquoi certains fromages comme le Munster sentent-ils si fort ?
L’odeur puissante du Munster et autres pâtes molles à croûte lavée (Époisses, Maroilles, Langres) résulte d’un processus d’affinage spécifique favorisant le développement de bactéries d’affinage en surface. Durant l’affinage (3-10 semaines), les fromages sont lavés régulièrement (2-3 fois par semaine) avec de l’eau salée, parfois additionnée d’alcool (marc de Bourgogne pour l’Époisses) ou de ferments d’affinage. Ce lavage maintient la croûte humide et favorise la croissance de bactéries spécifiques, principalement Brevibacterium linens (bactérie rouge-orangée responsable de la couleur de la croûte) et d’autres bactéries corynéformes. Ces bactéries produisent des enzymes qui dégradent les protéines (protéolyse) et les lipides (lipolyse) en surface du fromage, libérant des composés volatils odorants : acides gras à chaîne courte (acide butyrique, caproïque = odeur de beurre rance, chèvre), composés soufrés (méthanethiol = chou pourri), amines (putrescine, cadavérine = décomposition), composés ammoniacaux. Ces molécules volatiles sont perçues par notre odorat comme « odeur forte » voire « odeur de pieds » ! Paradoxe : un fromage qui sent fort a souvent un goût en bouche beaucoup plus doux que son odeur ne le suggère, car les molécules responsables de l’odeur (volatiles) sont différentes de celles du goût (non volatiles). L’odeur forte n’est pas un défaut mais la signature d’un affinage abouti et d’une typicité régionale.
Les fromages de l’Est sont-ils tous au lait de vache ?
Presque tous, oui ! Les fromages de l’Est de la France sont majoritairement élaborés au lait de vache, à l’exception notable du Picodon (lait de chèvre) produit en Ardèche et Drôme. Cette prédominance bovine s’explique par plusieurs raisons géographiques et historiques. Les régions montagneuses de l’Est (Jura, Alpes, Vosges) bénéficient de vastes alpages et prairies d’altitude propices à l’élevage bovin laitier. Les races locales adaptées (Montbéliarde en Franche-Comté, Abondance et Tarentaise en Savoie, Vosgienne dans les Vosges) sont d’excellentes laitières produisant un lait riche et aromatique grâce aux flores alpines (plus de 500 espèces végétales dans certains alpages). Le climat continental montagnard avec hivers rigoureux et étés tempérés convient parfaitement aux vaches mais moins aux chèvres (qui préfèrent les climats plus secs et chauds du Sud). Historiquement, les grandes meules de garde (Comté, Beaufort) nécessitant 400-500 litres de lait étaient plus faciles à produire avec des troupeaux bovins qu’avec des petits ruminants. Le lait de chèvre domine dans le Sud (Méditerranée, climat sec), celui de brebis dans le Sud-Ouest (Pyrénées, Causses), tandis que le lait de vache règne dans le Nord et l’Est (prairies abondantes). Le Picodon ardéchois est une exception car l’Ardèche méridionale présente un climat plus méditerranéen que le reste de l’Est.
Quelle est la différence entre une tomme et une tome ?
La différence tient à l’orthographe et à des traditions régionales distinctes, mais la confusion est fréquente car les deux désignent des fromages de montagne de taille moyenne à pâte pressée. Tomme (avec deux « m ») : orthographe la plus courante en Savoie et dans la plupart des régions. Exemples : Tomme de Savoie IGP, Tomme des Pyrénées, Tomme de Lozère, Tomme noire des Pyrénées. Tome (avec un seul « m ») : orthographe traditionnelle savoyarde ancienne, utilisée spécifiquement pour la Tome des Bauges AOP (massif des Bauges en Savoie). Le cahier des charges AOP impose l’orthographe « Tome » avec un seul « m » pour distinguer ce fromage spécifique de la Tomme de Savoie IGP générique. Étymologiquement, « tomme/tome » viendrait du patois savoyard ou du grec « tomos » (morceau, portion). En pratique, la différence orthographique n’a pas de signification technique : ce sont tous des fromages de montagne à pâte pressée, cylindriques, de taille moyenne (1-3 kg), traditionnellement fabriqués avec du lait partiellement écrémé (la crème servait à faire du beurre). La Tome des Bauges AOP se distingue cependant par un cahier des charges strict (lait cru, zone délimitée, affinage minimum, caractéristiques organoleptiques) qui en fait un produit plus typé et protégé que les Tommes génériques.
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