La transformation des capitales au XXème siècle

Si le chemin vers la capitale moderne du XXème siècle a été marqué par une expansion, une différenciation et une complexité considérables, il a également conduit au déclin de la centralité et de la domination traditionnelles de la capitale.
Bien que les capitales contemporaines soient encore souvent des centres symboliques, politiques et économiques, la plupart des écrits sur les capitales suggèrent une époque passée qui correspondait à un pic perçu dans l’État-nation. Un des points de rupture a certainement été le lendemain de la Première Guerre mondiale, qui a renversé trois monarchies en Europe (Allemagne, Autriche-Hongrie et Russie), éliminant l’identité des capitales de Berlin, Vienne et Saint-Pétersbourg en tant que sièges royaux absolutistes.

La crise de doute et de stabilité des États-nations européens après la guerre s’est reflétée dans leurs capitales, même lorsque les dictateurs ont déployé symboles architecturaux néoclassiques pour renforcer le nationalisme militariste. La Vienne d’après-guerre ne retrouvera jamais son statut de métropole moderne et dynamique de la Fin-de-siècle. La capitale des Habsbourg sur le Danube cédera en outre son statut historique de première ville germanique à la capitale allemande sur la Sprée. Bien que Berlin ait été glorifiée après la première guerre mondiale pour ses innovations culturelles et industrielles, elle n’a pas non plus pu échapper à la crise de l’après 1918 : ses 26 dernières années de capitale ont été celles d’une démocratie fragile qui est tombée en 1933 aux mains d’Adolf Hitler.

Pour beaucoup, Paris reste le modèle par excellence de cette époque de pointe de la capitale. Napoléon III et Haussmann ont reconstruit Paris exactement au moment où Paris pouvait facilement être considérée comme l’incarnation de la capitale moderne (à la même époque où Bruxelles voûte la Senne). Les chemins de fer l’ont rendue plus accessible et les expositions internationales, à partir de 1855, ont montré que le gouvernement français voulait tirer pleinement parti de son potentiel. À partir des années 1860, d’autres capitales ont commencé à copier Paris, ou du moins à convoiter ses caractéristiques. Paris restera l’exemple jusqu’après la Seconde Guerre mondiale, lorsque New York et l’idéal largement théorique du Mouvement moderne déplacent le Paris d’Haussmann au profit d’une capitale faite de gratte-ciel et d’autoroutes qui pénètrent jusqu’en son cœur. Cela suggère une certaine incompatibilité entre le modernisme et l’idéal traditionnel de la capitale.

Le plan de Paris ou plan Voisin par Le Corbusier
Maquette du « plan Voisin », le centre de Paris, plus précisément la rive-droite, selon Le Corbusier, 1922. Selon Le Corbusier, l’ensemble de 24 gratte-ciel logerait un demi-million d’habitants. Le nom « plan Voisin » vient de Gabriel Voisin qui finance le projet.

On peut considérer le plan de rénovation urbaine de Le Corbusier visant à remplacer le paysage urbain du Paris du XIXème siècle par des gratte-ciel modernistes non seulement comme un rejet du traditionnel pour le moderne mais aussi comme un rejet de l’ancienne forme de la capitale monumentale pour un modèle émergent et séculaire de capitale. Si les tours du Corbusier dans le parc étaient des machines pour la vie moderne, alors son plan pour Paris pouvait être considéré comme des machines pour un gouvernement moderne, où le pouvoir s’exprimait par une croyance dans l’autorité centralisée de la rationalité technologique et administrative. En fin de compte, la vision de Le Corbusier pour la capitale française n’était peut-être pas plus exacte que la vision de science-fiction de Jules Verne sur le Paris de 1960, écrite un siècle auparavant. L’échec des plans ambitieux de Le Corbusier suggère que si l’idéal classique de la capitale devait être remplacé, ce serait par autre chose que la grille et la boîte modernistes.

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Sam Zylberberg
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