Quelques Sociologues du XIXe siècle

Qui sont les sociologues du XIXe siècle ?

Après avoir vu les différents philosophes de l’Antiquité dans un précèdent article, nous allons revenir à l’époque contemporaine, et nous intéresser aux différents sociologues du XIXe siècle.

La sociologie est la science humaine qui étudie les phénomènes sociaux (pouvant être idéologiques, religieux ou esthétiques), et permet de comprendre et d’expliquer le comportement des individus au sein d’un groupe, au sein de leur milieu social.

Au 19e siècle, la sociologie s’est formée grâce à différents penseurs que nous allons présenter dans cet article.

Auguste Comte (1798-1857) est un philosophe français, fondateur du positivisme, et est le premier à avoir popularisé le mot « sociologie », pour désigner la science des sociétés.

Le positivisme considère que toutes les activités philosophiques et scientifiques ne peuvent être vérifiées que par l’expérience. Le positivisme s’inspire de l’empirisme.

Remarque : L’empirisme (18e siècle) considère que l’origine de toutes les connaissances humaines ne provient que des expériences et observations, s’opposant au rationalisme (17e siècle), selon lequel l’origine de toutes les connaissances humaines découle de la raison et de principes universels.

Voici un exemple pour comprendre la différence entre ces trois termes:

  • Pour les rationalistes (17e siècle), les atomes sont une conception de l’esprit.
  • Pour les empiristes (18e siècle), les atomes existent réellement, puisqu’ils sont nécessaires pour comprendre les résultats expérimentaux.
  • Pour les positivistes (19e siècle), les atomes ne pouvent pas exister réellement, puisqu’ils ne sont pas directement observables. Les atomes sont considérés comme des modèles imaginés par l’homme, dans le seul but d’être utiles à la compréhension des résultats expérimentaux.

En développant ainsi le positivisme, Comte n’adhère d’ailleurs pas à la métaphysique (qui consiste à rechercher les premières causes, et principes de l’existence de l’Univers).

Comte est aussi à l’origine de la loi des trois états, un concept permettant de décrire l’histoire de la société en trois stades :

  • L’état théologique (fictif), correspondant à la société féodale et cléricale, où l’homme explique les phénomènes du monde par l’action d’êtres surnaturels, ou par référence au divin.
  • L’état métaphysique (abstrait), correspondant à la société révolutionnaire au siècle des Lumières (18e), où les êtres surnaturels sont remplacés par des entités abstraites, comme la vie, la nature, la mort.
  • L’état scientifique (positif), correspondant à la société industrielle et scientifique, où la connaissance se tourne vers les faits établis ; et où l’esprit humain reconnaît l’impossibilité d’obtenir des notions absolues, comme l’origine ou l’avenir de l’univers.

Max Weber (1864 – 1920) est un économiste et sociologue allemand, considéré comme l’un des fondateurs de la sociologie moderne, en ayant notamment analysé le capitalisme et la bureaucratie.

Selon Weber, avant d’être un système économique, le capitalisme est une éthique (une recherche d’idéal de société), qu’il nomme « l’esprit capitaliste », et qu’il décrit à partir de deux doctrines (la rationalisation et l’ascétisme).

1) La rationalisation est un phénomène socio-économique consistant à organiser les choses de façon plus rationnelle, plus efficace, par exemple :

La rationalisation (en économie) a pour but de réorganiser un processus, ou une entreprise afin d’améliorer son fonctionnement, d’accroître son efficacité économique, et d’augmenter ses performances. Ainsi, le capitalisme correspond à la rationalisation économique.

La rationalisation (en politique) a pour but d’assurer la stabilité d’un régime parlementaire, ainsi que l’efficacité gouvernementales (par l’instauration d’une majorité parlementaire homogène, par exemple). Ainsi, la bureaucratie correspond à la rationalisation du pouvoir.

Remarque : à partir de cette définition, on remarque que Comte (1798-1857), (vu en début d’article), avait aussi la volonté d’une rationalisation scientifique, correspondant à une organisation scientifique de la société par des savants, et non plus par religieux ou juristes, comme c’était le cas à l’époque de Comte qui a vécu dans une société régie par l’instabilité des régimes, passant de la Monarchie à la première République, puis à une alternance entre Empire, Monarchie et République, de 1792 à 1870.

2) L’ascétisme (ou ascèse) est une discipline où l’individu cherche à tendre vers une perfection, par le renoncement ou la privatisation.

Weber a étudié le passage de l’ascétisme religieux à l’ascétisme économique, puis à l’esprit de capitalisme. Notamment en exposant l’idée que les mouvements religieux (protestants) ont mis en place un ascétisme professionnel de telle sorte que le travail soit une sanctification pour l’individu, puis progressivement un moyen d’augmenter son capital, au sein duquel l’esprit de capitalisme prend sa source.

Rationalisation et Ascétisme chez Weber pour expliquer l’apparition du capitalisme

Weber développe aussi la notion d’idéal-type qui est une méthode d’analyse permettant de comprendre les phénomènes sociaux. Par exemple, Weber définit 4 idéaux-types de rationalité, stipulant que les actions sociales peuvent être déterminées : par un but, des valeurs, une tradition, ou les émotions.

Weber aborde aussi le capitalisme, en analysant les motivations qui poussent les hommes à tendre vers le capitalisme (contrairement à Marx, qui aborde le capitalisme, en analysant ses composantes économiques).

Pour analyser le capitalisme, Weber utilise une méthode reposant sur la sociologie compréhensive (différente de la sociologie de Durkheim). En effet, Weber introduit l’individualisme méthodologique qui stipule que l’ensemble des actions et des comportements individuels ne dépendent pas forcément des faits sociaux.

Par exemple, l’individu est soumis à des passions et des intérêts qui lui sont propres, il n’est pas forcément déterminé par des phénomènes de société.

Émile Durkheim (1858-1917), est un sociologue français, oncle de Marcel Mauss (Essai sur le don), fondateur de l’holisme méthodologique, qui est une approche déterministe proposant l’idée que les faits sociaux sont externes à l’individu, et peuvent le contraindre (l’individu doit intérioriser les règles établies et les respecter), ainsi la société façonne l’individu (ce qui s’oppose à l’individualisme méthodologique de Weber).

Le grand rectangle et grand cercle représentent deux sociétés différentes, les petites formes géométriques correspondent aux individus

Durkheim, ayant été influencé par le positivisme d’Auguste Comte, considère la sociologie comme une discipline scientifique, qui doit être vue comme une science indépendante et institutionnelle. Il considère la sociologie comme une science des faits sociaux (holisme méthodologique), tandis que Weber considère la sociologie comme une science de l’action sociale (individualisme méthodologique), où l’individu a une place plus importante.

Durkheim est aussi à l’origine de plusieurs termes, comme l’anomie et la conscience collective.

1) L’anomie est une notion qui désigne une situation de confusion ou d’absence de règles sociales, dans laquelle les individus ne savent plus comment orienter leurs conduites. Il développe cette notion dans son livre Le Suicide.

2) La conscience collective est une notion qui désigne l’ensemble des valeurs et croyances communes aux membres d’un groupe, et résulte des pratiques et croyances depuis des générations. À l’inverse, la conscience individuelle est constituée des opinions subjectives et propres à un individu.

Karl Marx (1818-1883), est un historien, philosophe, sociologue, économiste, communiste allemand, et connu pour son engagement révolutionnaire au sein du mouvement ouvrier.

Marx décrit l’histoire de la société au travers de la lutte des classes, entre la noblesse, la bourgeoisie (les oppresseurs, qui possèdent les moyens de production), et le prolétariat (les opprimés, qui vendent leur force de travail).

Selon Marx, toute société est fondée sur une base matérielle. Il crée alors le matérialisme historique, une méthode d’explication, afin de comprendre l’organisation de la société et son évolution.

Les sociétés féodales étaient dirigées par la noblesse, mais ont été renversées par la classe bourgeoise, qui a mis en place une société avec des modes de production capitalistes. Selon Marx, le prolétariat renversera, par la révolution, la classe bourgeoise afin d’y instaurer une société avec des modes de production communistes.

À l’instar des trois stades d’Auguste Comte, Marx énonce trois grandes étapes (ou systèmes) dans l’histoire de la société :

  • Le système antique, où la richesse est fondée sur la possession des esclaves ; le rapport social est l’esclavagisme.
  • Le système féodal, où la richesse est fondée sur la possession de terre ; le rapport social est le servage.
  • Le système industriel (capitaliste), où la richesse est fondée sur la possession des moyens de production ; le rapport social est le salariat.
système antique, féodal et industriel

Au niveau de la sociologie, Marx considère que la manière de penser, les opinions et les comportements des individus résultent d’un déterminisme social, crée par les conditions de production (conditions de travail), et de la position des individus dans le système de production (possession ou non des moyens de production).

Sa vision du déterminisme social diffère de celle de Durkheim, qui pense que les déterminismes sociaux passent de générations en générations par la transmission de valeurs, de normes et de croyances communes (conscience collective).

Georg Simmel (1858-1918) est un philosophe et sociologue allemand.

Simmel est le fondateur de la sociologie formelle (sociologie de forme), où il est nécessaire de s’appuyer sur des modèles abstraits (des formes) comme les idées, valeurs, relations sociales ; permettant de comprendre la complexité des réalités sociales. Cette sociologie formelle est d’origine kantienne :

  •  Selon Kant, la connaissance des phénomènes naturels n’est possible que parce que l’esprit y projette des formes (l’espace et le temps).
  • Selon Simmel, la connaissance des phénomènes sociaux n’est possible que parce que le sociologue organise le réel à l’aide de catégories ou de modèles.

Simmel est aussi l’initiateur de l’interactionnisme méthodologique (inspiré de l’individualisme méthodologique de Weber), qui s’intéresse à l’individu, et tend à montrer que la société est le produit des interactions entre les individus.

Pour cela, Simmel présent trois processus pour mettre en évidence une propriété du social qui est le relationnel, en partant de l’abstrait (l’interaction) pour aller au concret (l’échange), par l’intermédiaire d’une transition (la sociation) :

  • L’interaction (Wechselwirkung ; fait société, l’abstrait) est le processus d’attraction et de répulsion, correspondant aux enchaînements psychologiques de l’individu.
  • La sociation (Vergesellschaftung ; faire société, la transition) est le processus d’augmentation des relations sociales.
  • L’échange (Tausch ; réalisation du faire société, le concret) est le processus de concrétisation des sociations, qui correspond à la société.

Simmel est aussi connu pour avoir distingué deux types d’individualisme : un individualisme quantitatif (du 18e) et un individualisme qualitatif (du 19e).

  • Au XVIIIe siècle, les philosophes des Lumières décrivent un individualisme quantitatif, en soulignant chez l’individu, son autonomie, son aptitude à la raison, et sa position comme atome constitutif de la société.
  • Au XIXe siècle, avec l’individualisme qualitatif, Simmel introduit l’idée que l’individu n’appartient pas qu’à une seule et unique catégorie sociale, et que ses appartenances sociales sont multiples et font sa singularité.

Bilan :

Nous espérons que cet article a pu vous apporter des informations utiles et des connaissances sur les sociologues classiques du 19e siècle, fondamentales pour comprendre l’histoire de sociologie, ainsi que les idées des sociologues contemporains.

Adrien Verschaere
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