Comprendre la mémoire : comment fonctionne-t-elle et où les souvenirs sont-ils stockés ?

Comment la mémoire fonctionne-t-elle, quelles sont les différentes formes de mémoires, comment et où les souvenirs sont-ils stockés dans notre cerveau ? Approfondissons notre connaissance du cerveau et de la mémoire à travers notre article !

Qu’est-ce que la mémoire ?

La mémoire est le processus d’encodage, de stockage et de récupération des expériences et des connaissances. La mémoire revêt de nombreux aspects et particularités.

Certains souvenirs sont ceux dont nous sommes conscients comme le café que l’on a pris ce matin, le fait de savoir que les dromadaires ont une bosse et les chameaux en ont deux, une partie des grandes dates de l’Histoire, etc. Ce sont les souvenirs explicites, ceux dont nous pouvons nous souvenir consciemment.

Mais il existe aussi des souvenirs implicites. Par exemple, lorsque nous parlons, nous utilisons des souvenirs moteurs pour bouger nos lèvres et notre langue de manière à reproduire les sons que nous avons appris. Lorsque nous marchons, nous utilisons des souvenirs moteurs pour coordonner notre démarche.

Quels sont les différents types de mémoires ?

Il existe plusieurs types de souvenirs, dont certains sont fugaces et d’autres durent toute une vie. Normalement, lorsque nous parlons de mémoire ou de souvenir, nous faisons référence à la mémoire déclarative ou explicite, qui est rappelée consciemment. Les souvenirs explicites peuvent être épisodiques, c’est-à-dire qu’ils se rapportent à des expériences ou à des épisodes de notre vie (par exemple, des vacances particulières ou la première fois que l’on a été piqué par une guêpe ou une abeille) ; ou sémantiques, c’est-à-dire qu’ils se rapportent à des faits ou à des connaissances générales (par exemple, le fait que le cerveau compte environ 90 milliards de neurones). Les souvenirs explicites sont clairement affectés par les maladies neurodégénératives telles que la maladie d’Alzheimer.

Quels sont les différents types de mémoires ?
Schéma illustrant les différents types de mémoire : à gauche, la mémoire à court terme ; à droite la mémoire à long terme qui comprend la mémoire déclarative et la mémoire non déclarative. La mémoire déclarative est composée des informations épisodiques et sémantiques tandis que la mémoire non déclarative est associée à la mémoire procédurale, aux conditionnements classiques (donnant une réponse émotionnelle ou musculaire), aux apprentissages non associatifs et enfin à l’amorçage. Le dernier niveau du schéma indique les parties du cerveau dans lesquelles sont stockées les différents types de mémoire.

La mémoire à long terme

Comme le montre le schéma ci-dessus, la mémoire déclarative est un type de mémoire à long terme. L’autre type de mémoire à long terme est la mémoire non déclarative aussi appelée mémoire implicite ou inconsciente. Ces souvenirs inconscients peuvent être procéduraux et impliquer des compétences motrices apprises, par exemple apprendre à faire du vélo ou à taper sur un clavier.

Les souvenirs implicites peuvent également résulter de l’amorçage, qui se produit lorsque l’exposition à un stimulus influence la réponse de notre cerveau à un autre. Par exemple, dans des tâches de jugement de mots, les participants identifient plus rapidement des paires de mots associés, comme pomme et poire, que des paires non associées, comme pomme et mécanicien.

La mémoire à court terme

La mémoire à court terme permet au cerveau de se souvenir d’une petite quantité d’informations pendant une courte période de temps. Le type de mémoire le plus court est la mémoire de travail, qui ne dure que quelques secondes. C’est ce que nous utilisons pour retenir des informations dans notre tête pendant que nous nous engageons dans d’autres processus cognitifs. Par exemple, nous nous souvenons des chiffres récités le temps d’ajouter un numéro de téléphone à notre carnet de contact. La capacité de la mémoire de travail d’une personne est l’un des meilleurs indicateurs de l’intelligence générale, telle que mesurée par les tests psychologiques standard.

Comment se forme la mémoire ?

Différents groupes de neurones (cellules nerveuses) sont responsables de différentes pensées ou perceptions, entrent et sortent de l’action.

Schéma d'un neurone ou cellule nerveuse
Parties d’une cellule nerveuse (ou neurone) : le corps cellulaire central (noyau) avec le noyau interne et les dendrites externes et la longue queue de l’axone, isolés par la gaine de myéline.

La mémoire est la réactivation d’un groupe spécifique de neurones, formée à partir de changements persistants dans la force des connexions entre les neurones. Mais qu’est-ce qui permet à une combinaison spécifique de neurones d’être réactivée par rapport à toute autre combinaison de neurones ?

La réponse est la plasticité synaptique. Ce terme décrit les changements persistants de la force des connexions,  appelées synapses, entre les cellules du cerveau. Ces connexions peuvent être renforcées ou affaiblies en fonction du moment et de la fréquence de leur activation dans le passé. Les connexions actives ont tendance à se renforcer, tandis que celles qui ne sont pas utilisées s’affaiblissent et peuvent même disparaître complètement.

Une connexion entre deux neurones se renforce lorsque le neurone A active systématiquement le neurone B, lui faisant émettre un potentiel d’action, et la connexion s’affaiblit si le neurone A ne parvient pas systématiquement à faire émettre un pic au neurone B. Les augmentations et diminutions durables de la force synaptique sont appelées potentialisation à long terme et dépression à long terme.

La modification de la force des synapses existantes, voire l’ajout de nouvelles synapses ou la suppression d’anciennes, est essentielle à la formation de la mémoire. Mais il existe également des preuves qu’un autre type de plasticité, n’impliquant pas directement les synapses, pourrait être important pour la formation de la mémoire. Dans certaines parties du cerveau adulte, comme l’importante structure de la mémoire connue sous le nom d’hippocampe, de tout nouveaux neurones peuvent être créés dans un processus appelé neurogenèse. Des études menées sur des souris âgées ont montré qu’en augmentant la neurogenèse dans l’hippocampe, la mémoire peut être améliorée. Chez l’homme, il a été démontré que l’exercice physique augmente le volume de l’hippocampe, ce qui suggère que de nouveaux neurones sont créés, et améliore en même temps les performances dans les tâches de mémoire.
Enfin, une étude menée auprès des chauffeurs de taxi londoniens a montré que l’hippocampe de ces derniers se développait lors de leurs trois ans d’études appelées The Knowledge, durant lesquelles ils doivent apprendre 320 routes afin d’aller d’un point A à un point B le plus rapidement possible. Le volume de leur hippocampe se rétrécissait lorsqu’ils cessaient leur activité professionnelle car leur hippocampe n’était pas sollicité autant que durant leur carrière.

Des ensembles de neurones différents pour des souvenirs différents

Les souvenirs apparaissent lorsque des groupes spécifiques de neurones sont réactivés. Dans le cerveau, tout stimulus entraîne un schéma particulier d’activité neuronale, certains neurones s’activent dans un ordre plus ou moins précis. En fonction du type de souvenir sollicité, différents ensembles, ou groupes, de neurones s’activent. La théorie veut que le renforcement ou l’affaiblissement des synapses rende plus ou moins probable l’apparition de certains schémas d’activité neuronale.

À quatre ans, lorsqu’on entendait le mot « bateau », nous pouvons imaginer et associer ce mot au dessin d’un bateau. À l’âge adulte, en entendant le même mot, nous pouvons imaginer le bateau de notre frère, de notre grand-père, un autre type de bateau ou encore ce que le bateau représente à nos yeux soit une réponse différente pour la même entrée.

Cela est dû au fait que notre expérience et nos souvenirs ont modifié les connexions entre les neurones, rendant l’ancien ensemble « bateau » moins susceptible de se produire que le nouvel ensemble « bateau ».

Pourquoi n'a-t-on pas les mêmes souvenirs enfant et adulte ? Schéma explicatif des ensembles neuronaux et de la mémoire
Les souvenirs sont stockés en modifiant les connexions entre les neurones. Un enfant de quatre ans activera un certain groupe de neurones (Ensemble A), tandis que les adultes activeront un ensemble différent (Ensemble A’) avec le même stimulus. La plasticité synaptique induite par l’expérience répétée peut modifier la force des connexions entre les neurones. C’est ainsi qu’il peut y avoir des réponses neuronales différentes à une même entrée.

En d’autres termes, le rappel d’un souvenir implique la réactivation d’un groupe particulier de neurones. L’idée est qu’en modifiant préalablement la force de certaines connexions synaptiques, la plasticité synaptique rend cela possible.
C’est la plasticité synaptique qui explique pourquoi nous pouvons avoir des souvenirs différents lorsque nous sommes enfant et lorsque nous sommes adulte ou encore pourquoi nous avons peu de souvenirs de notre enfance.

Le sommeil est important pour la formation de la mémoire

Le sommeil est un autre facteur important pour le stockage de la mémoire. Pendant le sommeil, l’hippocampe et le néocortex prennent part à un dialogue dans lequel l’hippocampe rejoue les événements récents : les mêmes neurones hippocampiques actifs pendant une expérience s’activent à nouveau pendant le sommeil lent, encore et encore, de manière comprimée dans le temps, ce qui aide à informer le néocortex de ce qui doit être stocké. Cette réactivation ne se produit que pendant le sommeil. Par conséquent, si nous ne dormons pas assez, nous ne permettons pas à notre cerveau de consolider vos souvenirs.

Où les informations sont-elles stockées dans le cerveau ?

Les informations et les souvenirs ne sont pas stockés dans une seule partie du cerveau. Différents types d’informations sont stockées dans différentes régions du cerveau, reliées entre elles. Pour les souvenirs explicites, qui concernent des événements qui nous sont arrivés (épisodiques), ainsi que des faits et des informations générales (sémantiques), il existe trois zones importantes du cerveau : l’hippocampe, le néocortex et l’amygdale. Les souvenirs implicites, tels que les souvenirs moteurs, reposent sur les ganglions de la base et le cervelet. La mémoire de travail à court terme repose surtout sur le cortex préfrontal.

Quelles sont les parties du cerveau ?
Schéma des structures du cerveau, de gauche à droite et de haut en bas : l’hypothalamus qui contrôle la température du corps, la faim, la soif et le sommeil ; le cortex préfrontal, siège des fonctions cognitives supérieures comme le langage, la mémoire de travail ou encore le raisonnement ; le cervelet qui contribue à la coordination et à la synchronisation des gestes et mouvements ; la glande pituitaire ou hypophyse est une glande endocrine qui sécrète de nombreuses hormones ; l’hippocampe qui joue un rôle central dans la mémoire et la navigation spatiale ; l’amygdale qui fait partie du système limbique et est impliquée dans l’évaluation émotionnelle des stimuli sensoriels et dans les réponses comportementales associées, plus précisément la peur et l’anxiété ; et enfin le tronc cérébral qui est responsable de la régulation de la respiration et du rythme cardiaque, de la localisation des sons.

La mémoire déclarative

Trois zones du cerveau sont impliquées dans la mémoire déclarative : l’hippocampe, le néocortex et l’amygdale.

L’hippocampe

L’hippocampe, situé dans le lobe temporal du cerveau, est l’endroit où les souvenirs épisodiques sont formés et indexés pour un accès ultérieur. Les souvenirs épisodiques sont des souvenirs autobiographiques d’événements spécifiques de notre vie, comme le café que nous avons pris avec un ami la semaine dernière.

Peut-on vivre sans hippocampe ?
Henry Gustav Molaison en 1953 à qui on a retiré l’hippocampe.

Comment le savons-nous ? En 1953, un patient nommé Henry Gustav Molaison surnommé HM s’est fait retirer l’hippocampe lors d’une opération aux États-Unis pour traiter son épilepsie. Son épilepsie a été guérie et HM a vécu 55 années supplémentaires en bonne santé. Cependant, après l’opération, il n’était capable que de former des souvenirs épisodiques qui duraient quelques minutes et il était totalement incapable de stocker de façon permanente de nouvelles informations. Par conséquent, la mémoire de HM s’est limitée à des événements survenus des années avant l’opération, dans un passé lointain. Cependant, il était encore capable d’améliorer ses performances dans diverses tâches motrices, même s’il n’avait aucun souvenir de les avoir rencontrées ou pratiquées. Cela indique que, bien que l’hippocampe est nécessaire pour la constitution des souvenirs, il n’est pas le site de stockage permanent de la mémoire et n’est pas nécessaire pour les souvenirs moteurs.

L’étude de HM a été révolutionnaire car elle a montré que de multiples types de mémoire existaient. Nous savons maintenant que, plutôt que de dépendre de l’hippocampe, l’apprentissage moteur implicite se produit dans d’autres zones du cerveau comme les ganglions de la base et le cervelet.

 

Le néocortex

Le néocortex est la plus grande partie du cortex cérébral, la feuille de tissu neuronal qui forme la surface extérieure du cerveau, et qui se distingue chez les mammifères supérieurs par son aspect ridé. Chez l’homme, le néocortex est impliqué dans des fonctions supérieures telles que la perception sensorielle, la génération de commandes motrices, le raisonnement spatial et le langage. Avec le temps, les informations de certains souvenirs stockés temporairement dans l’hippocampe peuvent être transférées au néocortex sous forme de connaissances générales, comme le fait de savoir que le café est un remontant. Les chercheurs pensent que ce transfert de l’hippocampe au néocortex se produit pendant le sommeil.

L’amygdale

L’amygdale, une structure en forme d’amande située dans le lobe temporal du cerveau, attribue une signification émotionnelle aux souvenirs. Cela est particulièrement important car les souvenirs émotionnels forts (par exemple ceux associés à la honte, à la joie, à l’amour ou au chagrin) sont difficiles à oublier. La permanence de ces souvenirs suggère que les interactions entre l’amygdale, l’hippocampe et le néocortex sont nécessaires pour déterminer la stabilité d’un souvenir, c’est-à-dire l’efficacité avec laquelle il est conservé dans le temps.

L’implication de l’amygdale dans la mémoire présente un autre aspect. L’amygdale ne se contente pas de modifier la force et le contenu émotionnel des souvenirs, elle joue également un rôle clef dans la formation de nouveaux souvenirs spécifiquement liés à la peur. Les souvenirs de peur sont capables de se former après seulement quelques répétitions. L’apprentissage par la peur est donc un moyen populaire d’étudier les mécanismes de formation, de consolidation et de rappel des souvenirs. Il est important de comprendre comment l’amygdale traite la peur en raison de sa pertinence pour le syndrome de stress post-traumatique. L’anxiété dans les situations d’apprentissage est également susceptible d’impliquer l’amygdale, et peut conduire à l’évitement de tâches particulièrement difficiles ou stressantes.

La mémoire non déclarative

Deux zones du cerveau sont impliquées dans la mémoire non déclarative : les ganglions de la base et le cervelet.

Les ganglions de la base

Les ganglions de la base sont des structures situées dans les structures profondes du cerveau et sont impliqués dans un large éventail de processus tels que les émotions, le traitement des récompenses, la formation des habitudes, le mouvement et l’apprentissage. Ils sont particulièrement impliqués dans la coordination des séquences d’activité motrice, comme c’est le cas pour la pratique d’un instrument de musique ou le sport. Les ganglions de la base sont les régions les plus touchées par la maladie de Parkinson. Cela se manifeste par l’altération des mouvements des patients atteints de la maladie de Parkinson.

Le cervelet

Le cervelet, une structure distincte située à la base arrière du cerveau, joue un rôle essentiel dans le contrôle de la motricité fine, celle qui nous permet d’utiliser des baguettes ou d’appuyer sur une touche de piano un peu plus doucement. Un exemple bien étudié d’apprentissage moteur cérébelleux est le réflexe vestibo-oculaire, qui nous permet de maintenir notre regard sur un endroit lorsque nous tournons la tête.

La mémoire de travail

Le cortex préfrontal

Le cortex préfrontal est la partie du néocortex qui se trouve à l’avant du cerveau. Il s’agit de la partie la plus récente du cerveau des mammifères, et il est impliqué dans de nombreuses fonctions cognitives complexes. Des études de neuro-imagerie humaine réalisées à l’aide d’appareils d’imagerie par résonance magnétique (IRM) montrent que lorsque les personnes effectuent des tâches qui nécessitent de conserver des informations dans leur mémoire à court terme, comme la localisation d’un flash lumineux, le cortex préfrontal s’active. Il semble également y avoir une séparation fonctionnelle entre les côtés gauche et droit du cortex préfrontal. Le côté gauche est plus impliqué dans la mémoire de travail verbale, tandis que le côté droit est plus actif dans la mémoire de travail spatiale, comme se souvenir de l’endroit où s’est produit le flash lumineux.

Sam Zylberberg

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