Comment les abeilles communiquent-elles ?

Les abeilles mellifères sont des insectes sociaux qui vivent en colonies de plusieurs milliers d’individus. Chaque colonie compte une unique femelle féconde – la reine – et quelques centaines de mâles, nommés faux-bourdons. Les autres abeilles – nées femelles – sont des ouvrières.

Les individus sexués ont pour rôle de perpétuer l’espèce et les reines pondront les centaines de milliers d’œufs durant leur existence. La vie des ouvrières – qui dans des conditions normales ne pondent pas – est tournée vers les activités qui permettent la survie de la colonie : élevage des jeunes, propreté et défense du nid, butinage. Les taches sont attribuées en fonction de l’âge de chaque individu, mais aussi des besoins de la colonie. Ainsi pour que des milliers d’individus collaborent efficacement et coordonnent leurs activités, il est nécessaire qu’un système perfectionné de communication soit implémenté. Cet article se propose d’en faire l’introduction.

Quels sont les modes de communication  ?

Les abeilles emploient plusieurs modes de communication pour se transmettre des informations. Un individu peut communiquer avec un autre, ou bien avec l’ensemble des individus situés dans les environs. Les œufs, les larves, les nymphes et les adultes – c’est-à-dire tous les stades de développement des abeilles – sont capables de communiquer entre eux, et ont tous un rôle important à jouer pour la stabilité et la dynamique de la colonie.

Contact par les antennes

Lorsqu’elles sont dans leur nid, les abeilles évoluent dans le noir. Leurs antennes permettent aux individus de se diriger au milieu d’un grand nombre d’autres insectes. Car au plus fort de son développement une colonie est riche de plus de 50 000 abeilles. Les antennes sont munies d’un grand nombre de récepteurs chimiques. Et les mâles en possèdent cinq fois plus que les ouvrières. Ils seront alors capable de détecter des reines vierges à grande distance.

L’abeille avec ses antennes peut donc sentir et goûter. Et nous verrons qu’elle peut aussi percevoir les vibrations. Mais ses antennes lui permettent aussi de communiquer par touché. Les antennes sont par exemple utilisées durant les échanges d’aliments – la trophallaxie – entre deux insectes.

Vibrations

Les abeilles peuvent sentir les vibrations qui circulent dans l’air grâce à leurs antennes, et ressentir les vibrations qui se propagent sur le support – où elles sont posées – par des récepteurs situés sur leurs pattes. Si elles peuvent écouter, les abeilles peuvent aussi émettre des sons audibles ou non aux oreilles humaines.

Le langage sonore le plus connu est celui des jeunes reines qui viennent de sortir de leur cellule royale. On parle du chant de la reine, que l’on peut parfois entendre durant la période d’essaimage, si l’on s’approche suffisamment d’une ruche. L’essaimage est le mode de multiplication des colonies. Et la fièvre d’essaimage qui touche les colonies au printemps et en été débute par le départ de l’ancienne reine et d’une partie de la colonie. Si vous souhaitez en savoir davantage sur l’essaimage, consultez l’article suivant https://blog.idlwt.com/quest-ce-que-essaimage/

Ce chant de la reine resta durant longtemps un mystère. Ce langage chez les reines permet probablement de sauver le maximum d’entre elles et donne alors davantage de chance à la colonie de se reproduire, c’est-à-dire d’essaimer. Pour rappel, deux reines au sein de la même ruche ne se supporteront pas longtemps. Si le départ de l’une d’entre elle ne se fait pas, alors c’est un combat à mort qui se produit entre les prétendantes à la succession.

La reine jeune reine qui sort la première de sa cellule royale – lieu où sa mère l’a pondu et où elle est passée par les stades de larves, puis de nymphe – va émettre un « tuut » caractéristique pour prévenir la colonie de sa présence. Ce à quoi les jeunes reines qui sont encore cloîtrées dans leurs alvéoles vont répondre par un « quack« . Ce dernier cri à pour fonction d’attirer des ouvrières autour de l’alvéole et de protéger son occupante. La colonie préfère éviter un combat inutile, surtout si un autre essaimage peut avoir lieu. Le but ultime est de perpétuer la lignée, et non pas de sauver un individu. Si la colonie a suffisamment essaimé, alors les ouvrières n’empêcheront pas le combat.

Les ouvrières et les faux-bourdons sont également capables de produire des vibrations. Celles-ci sont produites par les muscles des ailes. Et se propagent rapidement tout autour de l’abeille, mais sont efficaces à faible distance. Les ouvrières peuvent aussi plaquer leur thorax sur les rayons de cire de leur nid. Ainsi les vibrations produites se propagent plus loin lorsqu’elles passent par ce support. Pour communiquer à plus grande distance, les odeurs prennent le relai.

Phéromones

Les phéromones sont des molécules produites par plusieurs glandes dispersées à plusieurs endroits de l’insecte. Elles sont diffusées dans l’air, par contact entre individus ou par la nourriture partagée durant la trophallaxie. Il existe une grande diversité de composés et tous ne sont pas encore connus.

Les phéromones peuvent agir de deux façons :

  • En modifiant le comportement des abeilles qui vont les recevoir
  • En changeant le fonctionnement physiologique des abeilles

Certaines phéromones induisent un comportement ou un développement organiques, alors que d’autres les inhibent. Voici les principales phéromones produites par les abeilles.

Phéromones de rassemblement

Les abeilles ont souvent besoin de battre le rappel et de rassembler leurs troupes. C’est notamment le cas lorsqu’il faut que tous les individus rejoignent le nid. On observe ce comportement lorsqu’un apiculture transvase un essaim dans une ruche. Des abeilles se placent sur la planche d’envol et redressent leur abdomen, tout en faisant battre leurs ailes. Ces abeilles diffusent des composés tout autour d’elles et invitent la communauté à investir les lieux.

Phéromones d’alertes et d’attaque

La force des abeilles provient de leur appareil vulnérant – un dard relié à une poche à venin – et leur grand nombre. En cas d’attaque du nid, des centaines d’abeilles peuvent piquer un intrus. La coordination de l’attaque est assurée par la diffusion de plusieurs molécules. Ces phéromones sont présentes sur le dard et sur la poche à venin. Les dards qui restent plantés sur la peau de la victime diffusent ces molécules et encouragent alors d’autres abeilles à venir piquer la zone blessée.

L’apiculteur connaît bien cette réaction de chaîne. Et il sait que les attaques des abeilles peuvent être redoutables. En plus de porter une combinaison, il se protège par l’utilisation d’un enfumoir. Car la fumée brouille la communication olfactive des abeilles. Ainsi, la colonie correctement enfumée reste calme et les piqûres sont beaucoup plus rares. Rappelons que l’enfumoir doit toujours accompagner les visites de l’apiculteur sur son rucher.

Phéromones de maturation des ouvrières

Le travail des ouvrières se divise en deux catégories : les activités d’intérieur et les activités d’extérieur. Toutes les abeilles débutent par des activités à l’intérieur de leur nid. Puis à un certain moment de leur vie, elles vont se tourner vers les activités d’extérieurs, c’est-à-dire l’exploration de l’aire de butinage et la récolte du pollen, du nectar, de la propolis, de l’eau.

Durant certaines périodes de l’année – mais aussi en fonction de l’état de la colonie – les besoins peuvent être davantage tournés vers l’élevage des larves (une activité d’intérieur) ou bien vers la récolte de nourriture (une activité d’extérieur). Au début de la saison, la colonie a besoin d’élever rapidement un couvain important. Puis après l’essaimage, il sera nécessaire de récolter et de constituer des réserves en prévision de l’hivernage.

En fonction des besoins de la colonie, la date de passage de l’intérieur à l’extérieur peut être avancée ou bien reculée. Cette maturation est contrôlée par des phéromones produites par la reine, les larves, mais aussi les butineuses.

Phéromones d’inhibition des ouvrières

Dire que les ouvrières sont incapables de se reproduire n’est pas exact. Dans certaines circonstances, elles sont capables de pondre des œufs non fécondés. C’est par exemple le cas lorsque la reine est trop âgée ou qu’elle n’est plus présente dans le nid. La reine ne produisant plus ou pas assez ces phéromones, les ovaires des ouvrières vont reprendre leur développement jusqu’alors inhibé.

La ponte d’œufs non fertiles va donner naissance à des mâles, les faux-bourdons. Les ruches qui sont peuplées d’ouvrières pondeuses sont nommées des ruches bourdonneuses. Une telle colonie est vouée à disparaître après quelques semaines ou mois.

La diminution de la quantité de phéromones reçues par les ouvrières va aussi conduire à la construction de cellules royales, c’est-à-dire d’alvéoles qui vont recevoir les futures reines. Ce phénomène se produit chaque année, lorsque la population des abeilles est particulièrement importante. Le très grand nombre des ouvrières au printemps ne permet plus leur inhibition optimale. Elles seront nombreuses à débuter la construction des cellules royales. La fièvre d’essaimage approche alors. Une partie de la colonie se prépare alors à quitter les lieux avec l’ancienne reine.

Danse des abeilles

La danse des abeilles a été révélée par les travaux du biologiste autrichien Karl von Frisch durant les années 1940. Cette découverte majeure a été récompensée par un prix Nobel. Cette danse est une posture prise par un insecte de retour de butinage et elle permet d’indiquer la direction d’une source de nourriture. Mais aussi la direction d’un site propice à l’installation d’un nouveau nid, lorsqu’un essaim en est à la recherche.

Qu'est-ce que la danse des abeilles ?
La danse des abeilles est en éthologie un système de communication par lequel les abeilles qui butinent transmettent aux abeilles qui sont restées dans la colonie la distance et la direction pour atteindre le nectar et le pollen.

L’abeille qui danse décrit des cercles ou des formes en huit à la surface d’un rayon de cire. Le cheminement suit une droite qui décrit un axe par rapport à la verticale. Cet axe est celui du soleil par rapport à la direction à suivre.

Cette danse est observée par d’autres butineuses, qui pourront alors être recrutées pour récolter davantage de nourriture. La danse permet aussi d’indiquer la distance à parcourir depuis le nid. Lorsque la distance est réduite – quelques dizaines de mètres – l’abeille ne décrit plus de huit, mais simplement des cercles.

Plusieurs modes de communication sont sollicités durant la danse. Car la danse se fait dans l’obscurité du nid. L’abeille qui danse va diffuser des phéromones et des vibrations pour renseigner avec plus de précisions les ouvrières qui sont à son « écoute ». Elle peut même donner à la demande de l’une des spectatrices (celle-ci produit une vibration spécifique), une idée de la qualité de la nourriture trouvée, en régurgitant une goutte de nectar.

Les abeilles n’ont pas fini de nous surprendre !

Comme nous l’avons vu dans cet article, les abeilles peuvent communiquer et se transmettre des informations complexes. Mais des recherches récentes nous prouvent que les abeilles sont également dotées de facultés cognitives surprenantes, pour ne pas dire incroyables.

En effet, les abeilles sont capables d’apprendre et de modifier leur comportement. Elles sont aussi capables de faire la différence entre des formes et même de compter jusqu’à cinq. Ce qui est très pratique lorsqu’il s’agit de trouver sa route vers une source de nourriture. Elles peuvent ainsi mieux se repérer dans un environnement complexe et parcourir plusieurs kilomètres pour aller butiner.

Cette intelligence et leur capacité à communiquer permettent à ces petits insectes de constituer des colonies de plusieurs milliers d’individus – véritables super-organismes – et de coloniser les environnements les plus variés. On retrouve ainsi, Apis mellifera depuis les forêts tropicales jusqu’au forêts boréales en passant par les régions arides et les maquis méditerranées. Ainsi bien dans leur région d’origine que sur les continents où elles ont été introduites (continent américain et Océanie).

Nous espérons que cet article vous aura donné envi d’en apprendre davantage sur ces insectes et de vous impliquer dans leur protection. Car malheureusement, les activités humaines sont à l’origine de leur raréfaction et de leur disparition de certaines régions du monde.

Jean-Michel Dupuyoo
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