Sources bibliographiques, références, et sitographie en irénologie

Introduction

L’irénologie, ou science de la paix, s’inscrit dans un vaste champ interdisciplinaire regroupant philosophie, sociologie, relations internationales, psychologie, économie, etc. Cette discipline s’est bâtie à partir d’une multitude d’influences, de traditions intellectuelles et d’expériences de terrain, que l’on retrouve tant dans les ouvrages théoriques que dans les rapports d’ONG ou les ressources numériques. Pour tous ceux qui souhaitent approfondir la compréhension de la paix et des conflits, qu’ils soient étudiants, chercheurs, professionnels ou militants, il est essentiel de connaître les références majeures — dont une partie est disponible en français — afin d’acquérir une vision globale.

Dans cet article, nous présentons un ensemble de sources bibliographiques et sitographiques : classiques fondateurs (Galtung, Bouthoul, Kant…), études féministes, éco-irénologie, analyses post-coloniales, revues académiques, rapports institutionnels ou sites web de référence. Loin d’être exhaustif, cet inventaire se veut une passerelle vers la diversité des peace studies, sans oublier la polémologie, qui, elle, se concentre sur l’étude systématique de la guerre. Nous mettons cette fois un accent particulier sur des ressources francophones, souvent demandées mais parfois peu visibles sur la scène internationale.

Représentation figurative de l'irénologie. Image originale JeRetiens.
Représentation figurative de l’irénologie. Image originale JeRetiens.

1. Textes fondateurs et généraux en français

1.1. Johan Galtung et la conceptualisation de la paix

  • Galtung, J. (1975). Théorie et pratique de la résolution des conflits. Paris : Presses Universitaires de France.
    Recueil d’articles traduits du sociologue norvégien, introduisant ses concepts de violence directe, structurelle et culturelle, ainsi que sa distinction entre paix négative et paix positive.

  • Galtung, J. (1995). Choisir la paix. Trad. J.-P. Muller. Genève : Éditions Georg.
    Propose une réflexion sur la mediation, la transformation des conflits, et la responsabilité des institutions internationales dans l’édification de la paix.

1.2. Gaston Bouthoul et la polémologie

  • Bouthoul, G. (1951). La Guerre. Paris : Payot.
    Ouvrage fondateur en polémologie, insistant sur l’étude scientifique et démographique de la guerre. Bien que datant du milieu du XXᵉ siècle, il éclaire encore sur la nécessité de considérer la guerre comme un objet d’analyse rationnel, ce qui a influencé indirectement l’irénologie.

1.3. Autres approches historiques et philosophiques

  • Aron, R. (1962). Paix et guerre entre les nations. Paris : Calmann-Lévy.
    Ouvrage majeur de sociologie des relations internationales, où Raymond Aron aborde les notions de puissance et de diplomatie dans un contexte de guerre froide, offrant une perspective encore utile à l’analyse de la paix.
  • Freund, J. (1965). Essence du politique. Paris : Sirey.
    Prolonge la réflexion de la polémologie en soulignant les mécanismes politiques et sociologiques de l’affrontement, tout en laissant apparaître des pistes sur la régulation pacifique.

2. Travaux contemporains en français

2.1. Approches féministes et post-coloniales

  • Falquet, J., Rabaud, G., Rouch, H. & Welzer-Lang, D. (dir.) (2010). Des femmes contre les armes : Controverses et mobilisations féministes. Paris : L’Harmattan.
    Analyse la mobilisation de femmes et de collectifs féministes dans divers contextes anti-militaristes, montrant l’importance du genre pour comprendre la production et la contestation de la violence.

  • Chagnollaud, J.-P. & al. (dir.) (2017). Sortir des conflits : La paix par la justice ? Paris : Karthala.
    Réflexions sur la justice transitionnelle et la réconciliation dans plusieurs régions post-conflit, avec une perspective post-coloniale. Les auteurs y discutent notamment du rôle des commissions Vérité.

2.2. Éco-irénologie et développement

  • Aguessy, H. & Comby, J. (1995). Environnement, paix et développement. Paris : UNESCO / Economica.
    Pionnier de l’éco-irénologie, cet ouvrage collectif examine la gestion partagée des ressources naturelles, la préservation des écosystèmes comme facteur de prévention des conflits, et la corrélation entre développement durable et paix sociale.

  • Cans, C. (2012). Diplomatie verte : quelle politique étrangère pour l’environnement ? Paris : Presses de Sciences Po.
    Montre comment la diplomatie environnementale peut être un levier pour résoudre des conflits naissants (partage de l’eau, déforestation, changement climatique) et créer une solidarité régionale.

2.3. Justice transitionnelle et médiation

  • Groupe de recherche sur la justice transitionnelle (GRJT) (dir.). (2015). La justice transitionnelle dans le monde francophone. Montréal : Éditions de l’Université de Montréal.
    Synthèse des expériences menées en Afrique subsaharienne, au Maghreb, en Haïti, etc., décrivant les obstacles juridiques et culturels, et les innovations locales (commissions, procès, amnisties conditionnelles).

  • Mugnier, H. (2019). Pratiques de médiation et résolution de conflits : Outils et méthodes. Paris : Dunod.
    Manuel pratique traitant de la mediation dans des contextes variés, depuis les conflits interpersonnels jusqu’aux crises communautaires. Accessible au grand public et aux professionnels de terrain.

3. Revues académiques et bases de données en français

3.1. Revues francophones

  • Cultures & Conflits (L’Harmattan)
    Axée sur la sociologie politique des conflits et les questions de sécurité, cette revue francophone publie régulièrement des dossiers sur l’évolution de la violence, la radicalisation, la gestion des crises, etc.
  • Revue internationale et stratégique (IRIS)
    Éditée par l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques, elle propose des articles d’experts et universitaires sur la diplomatie, la défense et la résolution des conflits, souvent dans une perspective française ou européenne.
  • Revue Défense Nationale (RDN)
    Traditionnellement orientée vers les questions militaires, elle accueille cependant des articles sur la peacebuilding, la prévention des conflits, ou la transformation des armées pour des missions de stabilisation.

3.2. Bases de données francophones ou bilingues

  • Base de données “Conflits, Territoires et Sociétés” de l’IFG (Institut Français de Géopolitique)
    Recense des études de cas, des cartes et des analyses géopolitiques sur les zones de conflit.
  • Site de l’IRENE (Institut de Recherche et d’Enseignement sur la Négociation en Europe) : https://irene.essec.edu/
    Propose des ressources sur la négociation, la mediation et la résolution de conflits dans l’espace européen, souvent en français ou en version bilingue.

4. Rapports institutionnels et ONG francophones

4.1. Institutions françaises et francophones

  • Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (France) : https://www.diplomatie.gouv.fr/
    Publie des documents sur la diplomatie préventive, les missions de paix et la politique de coopération, parfois accompagnés d’analyses ou de retours d’expérience (ex. interventions au Sahel).
  • Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) : https://www.francophonie.org/
    Mène des actions en faveur de la démocratie, des droits humains et de la prévention des conflits dans l’espace francophone. Publie des rapports, organise des formations et soutient le dialogue entre États francophones.

4.2. ONG et think tanks francophones

  • IRIS (Institut de Relations Internationales et Stratégiques) : https://www.iris-france.org/
    Publie des notes, des études, des policy briefs sur la sécurité et la paix, avec une approche souvent géopolitique.
  • GRIP (Groupe de Recherche et d’Information sur la Paix et la sécurité) : https://grip.org/
    Basé à Bruxelles, le GRIP propose des études approfondies sur le désarmement, la prévention des conflits et les exportations d’armes, particulièrement en Afrique.
  • Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix (ROP) : https://rop5.ca/
    Fédère des chercheurs et des praticiens autour des missions de maintien de la paix de l’ONU ou des organisations régionales, met en ligne des articles et des dossiers thématiques.

5. Sitographie générale : veille et ressources numériques

5.1. Sites de référence à dimension internationale

  • Peace Research Institute Oslo (PRIO) : https://www.prio.org/
    Bien que principalement en anglais, le PRIO reste incontournable pour l’étude comparative des conflits et des peace processes. Certains documents ou synthèses sont disponibles en français ou multilingues.
  • United States Institute of Peace (USIP) : https://www.usip.org/
    Publie parfois des documents en français sur la mediation, la diplomatie préventive, la peace education.
  • International Crisis Group (ICG) : https://www.crisisgroup.org/
    Le site propose des rapports et des analyses, parfois traduits en français, sur les conflits en cours dans le monde, avec des recommandations politiques.

5.2. Formations en ligne et MOOC francophones

  • FUN MOOC (France Université Numérique) : https://www.fun-mooc.fr/
    Plateforme proposant régulièrement des cours en ligne gratuits en français, y compris sur la diplomatie, la gestion de crise, le droit international, etc.
  • Campus ARLEME (Institut des hautes études européennes) : http://www.arleme.org/
    Site francophone dédié à la formation sur la citoyenneté, la diversité culturelle, la prévention des conflits, avec des modules vidéo et des supports pédagogiques.

6. Conseils méthodologiques et articulation avec la polémologie

6.1. Mélange d’approches : interdisciplinaire et multilingue

La connaissance de la littérature en langue anglaise reste souvent indispensable, car la majorité des articles spécialisés (Journal of Peace Research, Peace and Conflict Studies, etc.) paraissent en anglais. Toutefois, la francophonie dispose d’un patrimoine intellectuel conséquent, qui mérite d’être mieux valorisé. Pour un lecteur francophone, il est judicieux de commencer par des manuels d’initiation ou des anthologies dans la langue de Molière, avant d’approfondir avec des articles académiques internationaux. L’irénologie mobilise par essence une pluralité de sciences sociales, donc il est pertinent de regarder aussi du côté des sociologues, géographes, historiens, anthropologues, etc.

6.2. Dialogue avec la polémologie

L’irénologie peut s’enrichir de la polémologie, laquelle se consacre davantage aux logiques de la guerre : ses causes démographiques, économiques, idéologiques, ses formes stratégiques, ou l’évolution des armements. En comprenant la dynamique des affrontements, on identifie mieux les moments de bascule où la mediation ou la diplomatie préventive peuvent éviter l’escalade. Les bibliographies de l’Institut de Stratégie Comparée, par exemple, ou de certains centres de recherche militaires, offrent une lecture complémentaire, pour aller au-delà d’une vision purement pacifiste et cerner la réalité factuelle de la conflictualité.

6.3. Approche critique et contextualisée

Enfin, tout recours à ces sources doit se faire de façon critique. Les rapports d’ONG, même en français, défendent parfois des agendas spécifiques ; les ouvrages théoriques peuvent refléter un biais culturel ou politique ; les sites institutionnels mettent l’accent sur les succès plus que sur les échecs. Croiser les perspectives (gouvernementales, universitaires, militants, internationales) est essentiel pour se forger un jugement nuancé. Les contextes étant très variés, il ne faut pas plaquer mécaniquement un modèle de peacebuilding pensé dans un cadre occidental sur une situation en Afrique ou en Asie sans prendre en compte les particularités locales, les cultures politiques, les hiérarchies sociales et le vécu des populations.

Conclusion

Cet article, centré sur les sources bibliographiques et sitographiques, propose un panorama alliant textes classiques (Johan Galtung, Gaston Bouthoul, Raymond Aron, etc.), travaux contemporains (approches féministes, éco-irénologie, justice transitionnelle) et ressources pratiques (revues, rapports, ONG, bases de données). Il insiste sur l’existence de nombreuses publications en français, indispensables pour une large diffusion et une meilleure appropriation dans l’espace francophone. Les peace studies y gagnent en accessibilité, tandis que l’on constate que la polémologie, focalisée sur l’analyse méthodique de la guerre, peut aussi alimenter la réflexion irénologique.

Au final, qu’il s’agisse de comprendre l’histoire et les théories de la paix, de découvrir les méthodes de mediation et de diplomatie préventive, ou de consulter des retours d’expérience sur la justice transitionnelle, ces références offrent une porte d’entrée solide pour approfondir son parcours intellectuel et/ou professionnel. S’aventurer dans les publications multilingues, confronter les points de vue issus de différents contextes (universités, think tanks, ONG, institutions publiques) et pratiquer la recherche-action sur le terrain constituent autant de moyens de progresser dans la compréhension des dynamiques de la paix et de la guerre. L’irénologie, au carrefour de multiples disciplines et traditions intellectuelles, continue d’évoluer grâce à l’apport continu de nouvelles études, rendant possible une vision plus globale et ambitieuse de la paix au XXIᵉ siècle.

Sam Zylberberg

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