Shi Huangdi et ses 7000 soldats en terre cuite

Shi Huangdi, l’empereur à l’armée de terre cuite

En mai 1974, les membres d’une communauté populaire du village de Xi’an découvrent par hasard un des sites archéologiques les plus extraordinaires du XXème siècle. C’est en forant un puits qu’ils découvrent une tête de cavalier en terre cuite et dégagent finalement la statue d’un guerrier.
Cette trouvaille va mettre en lumière un des plus grands mausolées au monde, celui de Shi Huangdi, premier empereur ayant unifié la Chine et sa muraille.

A travers la présentation de l’archéologie de ce mausolée, la narration des fouilles et l’histoire de Shi Huangdi, comprenez comment cet empereur est entré dans l’Histoire.

De nombreuses découvertes

Les archéologues nationaux se rendent aussitôt sur place et organisent des fouilles systématiques car le site se trouve tout près du tombeau de Shi Huangdi, le premier empereur, non encore fouillé.

A 4 mètres de profondeur, les archéologues découvrent une construction souterraine rectangulaire de 210 mètres sur 60, soit une surface de 12600 m².

L’enlèvement des terres supérieures laisse apparaître une quantité impressionnante de figurines en terre cuite, grandeur nature, représentant des guerriers porteurs d’arcs et de flèches, de coutelas, de lances et d’arbalètes et aussi des statues de chevaux attelés à des chars avec leurs conducteurs.

Au total, sont trouvés 591 statues de guerriers, 24 de chevaux, une véritable armée disposée dans l’ordre rigoureux pour aller au combat : un corps d’avant-garde de 72 rangs et un corps principal de 38 colonnes.

On évalue à 6000 le nombre total de soldats qui doivent vraisemblablement se trouver dans la zone non encore fouillée.

Les soldats en terre cuite de Shi Huangdi.
Les soldats en terre cuite de Shi Huangdi.

 

En 1976, 1877, le site des fouilles de Xi’an révèle deux nouvelles fosses représentant selon les archéologues le Quartier Général de l’armée.
La construction souterraine est semblable, les galeries sont soutenues à l’origine par une charpente en bois mais le plan est différent car il comprend trois parties de dimensions inégales: dans la partie centrale on exhume un char de guerre attelé de quatre chevaux en céramique et derrière ces chevaux, quatre personnages.
Dans les parties latérales se trouvent 64 guerriers aux cuirasses sculptées (certaines de ces cuirasses comportent plus de 170 pièces). Dans cette fosse, on trouve 34 armes, essentiellement des bâtons de combat en bronze servant à écarter les ennemis.

La thèse du Quartier Général est avancée pour deux raisons: d’abord parce que les soldats sont disposés de façon différente, groupés par deux, trois ou quatre, disposition qui convient mieux à un corps de garde qu’à une troupe en ordre de bataille. Ensuite, parce que les armes sont essentiellement des bâtons de combat c’est-à-dire des armes d’escorte.

Une énigme reste non solutionnée : où se trouve le général ?

A partir de 1980 d’autres découvertes sont réalisées le mausolée de l’empereur: 2000m² avec un tombeau de forme circulaire au centre.

A 20 mètres, les archéologues chinois mettent à jour deux chars de bronze peints avec leurs conducteurs, leurs quatre chevaux? Cette découverte fournit aux archéologues un matériel précieux permettant la reconstitution complète d’un quadrige richement décoré, des renseignements sur les techniques d’attelage du IIIème et du IIème siècle avant J-C, sur la métallurgie du bronze.

Les objets découverts

Les archéologues ont également déterré des outils agricoles en fer, des objets en or, en jade, en os, ainsi que de la toile de lin, des soieries, du cuir, des charrettes et des inscriptions.

Certaines statues portent en effet des caractères d’écriture semblables à ceux découverts sur les matériaux des constructions d’un tombeau tout proche, celui de Shi Huangdi.

Guerriers et chevaux ont donc bien été exécutés sous le règne du premier empereur : 259 à 210 avant J-C.

Pour veiller sur sa tombe, l’empereur a fait édifier cette armée en terre cuite, debout sur le sol de briques à motif de cordages.

Les découvertes plus récentes

Ces dernières années, les archéologues ont trouvé de nouvelles fosses qui ont été mises au jour. L’une d’elles, appelée la « fosse aux juges » présente des notables, des scribes, probablement des hommes de loi.

La dernière découverte en date, fouillée récemment (2004), contient des musiciens et une grue longeant un ruisseau factice.
Il semblerait que l’empereur ait souhaité être entouré jusque par-delà la mort de toutes les choses qu’il aurait appréciées de son vivant et d’avoir des moyens pour affronter l’éternité.
Comprendre ce mausolée, son importance et sa structure permettent d’introduire et d’appréhender le personnage de Shi Huangdi, un véritable mythe national chinois.

La Chine de Shi Huangdi peut se percevoir à travers son action conquérante, constructrice et unificatrice.

 

Une représentation de l'empereur.
Une représentation de l’empereur.

 

Le Conquérant

Shi Huangdi est d’abord l’empereur d’une armée de fantassins dont la paysannerie forme l’essentiel des recrues. Avec son armée, l’empereur unifia la Chine.

Avant lui, et depuis la fin du Vème siècle, le pays vivait une période d’instabilité, de guerres incessantes, entre les différents états du pays : Han, Wei, Zhao, Qi, Yan, Qin, Chu.
Le roi de Qin conquiert les états de ses rivaux. Il accomplit une œuvre considérable grâce à son armée et protège le pays contre les nomades du Nord par la construction de la grande muraille.

C’est le prince Zheng, celui qui est enterré dans le tumulus de Qin (le mot Chine vient de là) qui met fin à ces royaumes combattants, nom donné à cette période de l’histoire de Chine et à la naissance de la dynastie Qin.

Après avoir unifié la Chine Zheng prit le titre de « premier auguste souverain » c’est-à-dire Shi Huangdi, nom sous lequel il est entré dans l’histoire.

La capitale de son empire est est Xi’an, non loin de son tombeau.

Devenu « fils du ciel », ce monarque divin, ressemble à un ancien pharaon déifié d’Égypte ou à un Auguste de Rome, avec ses temples et ses prêtres.

Le Constructeur

Ses conquêtes achevées, l’empereur entreprend une politique défensive contre les incursions des tribus barbares du Nord.
Jusque là, les différents royaumes qui constituaient la Chine avaient séparément édifié des murailles à différents points stratégiques pour se défendre les uns contre les autres.
Shi Huangdi les relie entre elles, créant ainsi la plus gigantesque réalisation humaine.

Pour édifier la muraille de Chine, sur 3500 km, il fait creuser deux vastes tranchées à environ 8 mètres l’une de l’autre. De gros blocs de granit sont descendus dans les sillons pour servir de fondation à deux murs de briques. Il fait combler alors de terre l’espace compris entre les murs.

On raconte que ce travail mobilise un tiers des hommes de l’empire. Ce n’est pas prouvé mais il est certain qu’un nombre incalculable d’ouvriers a dû être nécessaire.

L’empereur y gagne sa réputation de cruauté car ses travailleurs sont traités comme des esclaves. Ils peinent sous la surveillance de soldats munis de fouets. Ceux qui meurt d’épuisement sont, dit-on, ensevelis à l’intérieur de la construction.

Sur l’extrémité orientale de la Muraille, il y a deux inscriptions : 1° une humble invocation religieuse : « le Ciel fit la mer et les montagnes », 2° une affirmation présomptueuse : « Cette Muraille doit pourvoir à la défense de tout ce qui existe sous le Ciel ».

La construction de la Muraille n’est pas la seule création architecturale du règne de Shi Huangdi : l’édification de sa capitale Xi’an et son tombeau mobilisa autant de main d’œuvre.

L’Unificateur

Bien protégé derrière sa Muraille, l’empire devait durer des millénaires. Shi Huangdi emploie les dix dernières années de son règne à le gouverner et à l’unifier. Pour y parvenir, il promulgue une série de réformes nommées « légistes » car déjà préparées à l’époque des royaumes combattants par « des réformateurs légistes ».
Ceux-ci préconisaient un Etat centralisé dans lequel le pouvoir du Prince n’est plus un pouvoir arbitraire de commandement mais un pouvoir d’organisation administrative et de mise en ordre par le respect des lois.
Les réformes de Shi Huangdi sont : – le découpage du territoire en unités administratives, la codification de l’écriture, la construction de canaux et de routes carrossables, l’uniformité de tous les essieux des chars afin que partout les ornières soient à la même distance et qu’une même voiture puisse circuler dans tout le pays. Il unifie aussi les monnaies, les poids et les mesures.

Le garant de l’ordre social

A l’époque des royaumes combattants, les différents rois avaient établi un régime féodal caractérisé par la noblesse terrienne et la compétence des lettrés. Shi Huangdi n’aima ni les uns, ni les autres. Les premiers furent domestiqués en échange de commandements militaires, les seconds furent pourchassés, leurs livres brûlés, sauf les traités techniques trop utiles pour le céleste empereur.

En temps de paix, la grande Muraille était une voie marchande d’Est en Ouest. Elle favorise l’essor économique en outre facilité par l’invention de la fonte du fer et le harnais de poitrail qui ne seront connus en Europe qu’au Moyen-Âge.

Le résultat de cet essor fut l’apparition de riches marchands et de grands propriétaires fonciers, qui furent les meilleurs soutiens de l’empereur.

La civilisation chinoise est essentiellement agricole, ils cultivent le blé au Nord et le riz au Sud, la vie des paysans est pauvre et misérable, ils vivent dans une cabane d’une seule pièce, le sol est en terre, il n’y a pas de meubles. La moitié des récoltes va au Seigneur propriétaire de la terre. Les sècheresses, les inondations, les guerres, contraignent les malheureux à vendre leurs enfants comme esclaves.

Les habitants des villes sont mieux lotis. Ils travaillent dans des grandes fabriques privées ou font partie de la multitude des ouvriers artisanaux (potiers, tisserands, fabricants d’armes,…)

Un empire millénaire ?

Si l’empire de Shi Huangdi devait durer plusieurs millénaires, Il ne dura que deux génération. Lorsqu’il fut enterré en -210, dans son tombeau de Xi’an avec son armée de guerriers en terre cuite, il laissa le pays épuisé par les guerres, par la construction de la Muraille, par la préparation de son tombeau.
Pour lui succéder, il n’avait qu’un adolescent incapable qui se suicida après trois ans de désordre et d’insurrections. L’anarchie s’installa.

L’ancienne noblesse opposée aux réformes égalitaires du Fils du Ciel releva sa tête, son chef Xiang Yu alla jusqu’à saccager, dès -207, le tombeau de Shi Huangdi, ce qui explique les traces d’incendie relevées dans les trois fosses par des archéologues.

L’impérial mausolée, œuvre gigantesque d’un règne hors du commun, ne survécut que trois ans à son divin propriétaire.

Mais l’empire, lui avait des assises assez solides pour survivre. Dès l’année -202, un illettré, Licou Pang, fils de paysan devenu soldat de fortune et chef d’armée s’impose par la force et fonde la dynastie des Han qui dura 4 siècles jusqu’en 220. Cette longue durée donna un tel prestige à son nom que les Chinois s’appellent toujours « fils de Han ».

Tout en restant fidèles aux méthodes centralisatrices de Huangdi, les Han régularisèrent leur régime en ralliant les lettrés.

Pour stabiliser l’État et raffermir leur pouvoir, au 2e siècle av. J-C, les Han créent une religion d’État afin de renforcer leur pouvoir. Ils s’appuient pour cela sur le taoïsme et sur les cultes traditionnels rendus à la fois aux forces de la nature et aux ancêtres.
L’empereur, le « fils du Ciel » sert d’intermédiaire entre le ciel et la terre. Il doit agir pour maintenir l’harmonie du monde. Par exemple, la couleur de ses vêtements dépend des saisons. Il doit tracer le premier sillon pour ouvrir l’année agricole.
Sinon, ruine et malheurs risquent de s’abattre sur la Chine.

On applique dans la Chine antique les idées d’un philosophe du Ve siècle avant J.-C., Confucius. Ses ouvrages expliquent la division entre gouvernants (empereur, nobles, lettrés) et gouvernés (paysans, artisans, esclaves). Tous doivent respecter les valeurs du passé et la hiérarchie pour préserver l’ordre du monde.

Les Han perfectionnent l’administration installée par Shi Huangdi. Un gouvernement central fort, des services locaux efficaces sont mis en place. Les fonctionnaires sont de plus en plus recrutés parmi les lettrés. L’armée est réorganisée et des conquêtes agrandissent l’Empire. Les peuples vaincus sont réduits en esclavage ou doivent payer un tribut. La Grande Muraille est prolongée vers l’Ouest; à l’abri de ses tours et de ses remparts, la Chine vit en paix.

Enregistrer

Sam Zylberberg
Les derniers articles par Sam Zylberberg (tout voir)

1 réflexion au sujet de « Shi Huangdi et ses 7000 soldats en terre cuite »

  1. Fascinant d’imaginer la mégalomanie d’un empereur (facile avec les pharaons et les pyramides), mais de là à réaliser des milliers et des milliers de soldats de terre cuite pour se protéger dans l’au-delà, il y a un monde !

    Répondre

Répondre à Neunty Annuler la réponse